Du Sang sur les mains
Il s’appelle Chester Gould. Inspecteur de renom, il résout tous les crimes de la ville de Diablerouge, à la frontière canadienne. Mais, cette fois, il est confronté à des criminels d’un genre particulier. Entre le pornographe amateur qui aime les ascenseurs et les photos de mollets, la voleuse de chaise et celle qui dérobe des panneaux publics, Gould doit se remonter les manches. Mais cette fois-ci, sans le savoir, il va peut-être trouver plus fort que lui sur son chemin. Car, parfois, le crime paie. Pour peu qu’il n’existe pas…
Après une première parution de toute beauté en 2015 (Alcoolique), l’éditeur de romans Monsieur Toussaint Louverture sort son 2e album, signé de l’auteur américain Matt Kindt (Super spy, L’Histoire secrète du géant, Rai). Du Sang sur les mains ressemble d’abord au polar lambda. Une ville paumée, des crimes et délits ordinaires. Mais rapidement, une personnalité émerge, à défaut d’un personnage. Il s’agit de l’inspecteur Gould, passé maître dans l’art d’élucider les crimes. C’est bien simple, rien ne lui résiste, même les criminels les plus farfelus : un vendeur de tableaux à la découpe, une voleuse de chaises, un pickpocket-magicien amnésique, une écrivaine voleuse de panneaux de signalisation… Ont-ils un lien ? Leur singularité se conjugue-t-elle à une quête de sens ? Quid de Gould, l’homme parfait au nom directement emprunté au créateur de Dick Tracy ? L’auteur ne donne pas les réponses mais les suggère. Par des indices semés un peu partout, des décors aux panneaux en passant par les textes ; par des recoupements impromptus, des répétitions de scène sous des angles différents ou des échos lointains. Pour nourrir le puzzle, Matt Kindt joue aussi sur les formes : coupures de journaux, bouts de photos, strips crayonnés, illustrations à l’aquarelle ou dialogues sur fond noir dessinent un vaste complot retors mêlant réflexions sur le Bien, le Mal et empathie pour des criminels baroques mais très humains. Avec un métadiscours des plus malins.
Un polar inventif donc, qui joue l’hommage à fond et se paie le luxe de balader le lecteur avec un jeu de piste bien retors. Bref, on se fait manipuler avec délice, on aime ça et on relit l’album sitôt la dernière page tournée. Car, c’est sûr, on n’a pas tout vu…
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