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Dupuy-Berberian, un couple présidentiel heureux

29 janvier 2009 |

dp_intro.jpgPorte-étendard de la nouvelle vague des années 90, Philippe Dupuy et Charles Berberian se préparent à animer, en tant que présidents, un Festival d’Angoulême 2009 des plus vivants. Expositions, concerts de dessins, interventions-surprises, les deux auteurs se réjouissent du tournant qu’a pris la production BD de ces dernières années, et l’arrivée d’une nouvelle génération d’auteurs novateurs. Rencontre avec un duo en forme, qui ne fait pas ses 100 d’âge (à deux). « Après 20 ans de métier, le plus important est d’avoir toujours envie : et on a toujours envie ! », s’enthousiasment-ils. Ça tombe bien, on a toujours envie de les lire.

Philippe Dupuy et Charles Berberian, vous êtes le premier président du Festival d’Angoulême à deux têtes (et quatre mains)…
Philippe Dupuy : Nous sommes les premiers, c’est bien, les choses évoluent. D’autres auraient certainement été contents de présider à deux : François Schuiten avec Benoît Peeters, José Muñoz avec Carlos Sampayo… C’est toujours ce vieux débat qui dure depuis des années à Angoulême : doit-on récompenser un scénariste ?
Charles Berberian : Gérard Lauzier, Martin Veyron, René Pétillon… Tous ont été récompensés par le Grand Prix parce qu’ils étaient dessinateurs, mais ce sont avant tout d’excellents scénaristes. Mais c’est le travail d’auteur qui compte, car l’écriture en bande dessinée est visuelle autant que narrative. René Goscinny en est un parfait exemple.affiche_angouleme.jpg

Vous faites désormais partie de l’académie des Grands Prix, aux côtés de Jean Giraud ou Fred. Que ressentez-vous ?
C.B. : Au début, c’était super gênant de se retrouver là, parce qu’on pense à tous ces auteurs qui méritent un Grand Prix et qui ne l’ont jamais obtenu. Mais je trouve formidable d’intégrer cette assemblée, qui compte des gens très importants pour moi, des auteurs qui m’ont appris à réfléchir autrement.
P.D. : Depuis quelques années, les Grands Prix se suivent et ne se ressemblent pas. La succession à quelques années près des présidences de Zep et José Muñoz démontre une réelle ouverture. Ces deux auteurs, à l’œuvre très différente, ont été placés sur un pied d’égalité au Festival d’Angoulême, grâce à la qualité de leur travail.

Sans rompre le secret auquel vous êtes tenu en tant que présidents du jury, que pensez-vous de la sélection officielle de ce 36e Festival ?
C.B. : La sélection donne une bonne image de la bande dessinée d’aujourd’hui. Elle fait preuve d’une grande ouverture, mettant en avant des livres très différents par leur fond et leur forme. Toutes les approches de la BD sont représentées. C’est une bonne proposition de lecture dans un contexte de surproduction.
dp_expo.jpgP.D. : Cette sélection nous a permis de découvrir des livres, de très bonnes surprises. Bien sûr, certaines BD que je considérais comme marquantes en 2008 sont absentes de la liste, mais c’est l’écueil de toute sélection.
C.B. : Globalement, au vu de cette liste et en tant que lecteur, on peut dire que 2008 a été une belle année de bande dessinée.

Que pensez-vous des concerts de dessin, qui sont désormais une des moments forts du Festival ?
P.D. : L’activité de dessiner a un côté magique, et pouvoir le faire en direct, se produire, donne une nouvelle vision du rapport au dessin. Quand Zep a trouvé le moyen de projeter ça en grand, c’est devenu vraiment spectaculaire.
C.B. : Les concerts de dessin se concentrent sur le moment présent, on est dans l’instant où se font les choses. L’auteur sur scène a la poussée d’adrénaline et le public aussi, qui se demande ce qu’il va voir ! Ces spectacles étaient un peu inattendus pour les auteurs de bande dessinée, car nous avons longtemps été considérés comme des autistes. Désormais, le Festival d’Angoulême n’est plus un alignement d’expériences individuelles, c’est aussi un moment partagé à plusieurs.
P.D. : Ces concerts, entre autres choses, ont permis que le Festival d’Angoulême devienne un vrai festival, et pas seulement un salon ou une foire à la dédicace.

dp_machine.jpgParlez-nous de votre exposition.
P.D. : Ce sera, classiquement, une exposition rétrospective de notre travail, à deux et en solo. On y verra des planches bien sûr, mais aussi des dessins sortis de nos cartons, ainsi que nos collections particulières d’originaux et d’objets. Par cette expo, nous allons tenter de nous définir. Il était financièrement trop lourd pour le Festival de bâtir une véritable exposition créative. Mais nous y apportons une touche personnelle dans la scénographie et nous avons construit une machine qui expliquera qui fait quoi dans le duo !
C.B. : Nous avons aussi demandé à Florent Ruppert et Jérôme Mulot de réaliser l’entrée de notre exposition : ils ont décidé de faire une « maison close », avec plein d’invités. Ce sera une sorte de présence physique de ce qu’ils diffuseront sur Internet.
P.D. : Et il y aura aussi des surprises : chaque jour, sans prévenir de l’horaire, nous viendrons dessiner avec d’autres auteurs sur un grand tableau noir. Le dessin restera exposé une journée, puis sera effacé quand nous reviendrons le lendemain. Encore une façon de profiter de l’instant présent…

Pour vous, comment la bande dessinée a-t-elle évolué ces 20 dernières années ?
C.B. : Elle a évolué dans le sens que nous espérions. Je me souviens qu’en 1994-95, nous étions un peu désespérés, car personne ne voulait autre chose qu’un format 46 pages couleurs. Nous ne voyions pas vraiment qui pourrait éditer les auteurs que nous aimions. Jean-Claude Götting ou François Avril étaient considérés comme des Martiens à ce moment-là ! Et puis L’Association et Cornélius sont arrivés et des auteurs au travail personnel et ambitieux ont pu être publiés.

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P.D. : Le travail éditorial est revenu au goût du jour. Bien sûr, on trouve toujours beaucoup des merdes en librairie, mais avant, il n’y avait presque que ça ! Aujourd’hui, des livres d’auteurs peuvent se vendre.
C.B. : Il y a quinze ans, personne ne comprenait Lewis Trondheim. Et personne n’aurait voulu d’une série comme Gus de Christophe Blain, qui est un bon exemple de BD d’auteurs à succès.

Cette belle période a-t-elle eu une influence sur la nouvelle génération d’auteurs qui arrive ?
C.B. : Les auteurs des années 90 ont dénoué la main. Ils ont libéré l’auteur de son statut d’artiste coincé à sa table à dessin, à faire du réalisme. Les dessinateurs d’aujourd’hui, comme François Ayroles, Pierre Maurel ou Bastien Vivès, sont des dessinateurs en mouvement, ils bougent, ils sortent. Ils ne racontent pas des histoires complètement artificielles, ils donnent une vision du monde dans lequel on vit. Ils ont grandi en lisant les livres des Requins Marteaux ou de L’Association, et on voit le résultat aujourd’hui.

Propos recueillis par Allison Reber et Benjamin Roure

Images © Dupuy-Berberian – FIBD – Fluide Glacial

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