Autrice notamment de Il fallait que je vous le dise ou de l’adaptation du Choeur des femmes de Martin Winckler, Aude Mermilliod creuse la veine de son récit personnel en profondeur dans ce long volume, qui file, comme son titre l’annonce, la métaphore de l’éclosion. Car au fur et à mesure qu’elle se penche sur son parcours et les événements marquants de sa vie sexuelle – qui est le sujet central de ces quelque 300 pages –, elle finit par s’ouvrir et s’épanouir telle une fleur et à plonger ses racines loin sous la terre pour mieux affronter les tempêtes à venir.

Reprenant certaines étapes de sa thérapie, Aude Mermilliod revient sur son adolescence et surtout sur ses premières relations sexuelles, qu’elle avait subies sans y réfléchir ni y consentir, et qu’elle finit, une fois adulte, à dénommer viols. Dès lors, elle raconte avec finesse comment ces traumatismes fondateurs ont influé sur sa vie sentimentale et intime. Puis, elle détaille sa relation avec l’auteur Jean-Louis Tripp (ici baptisé Jacques), amateur d’échangisme, auprès duquel elle expérimentera une sexualité joyeuse mais avec ses limites en termes de vie de couple. Ensuite, ce sera avec Sylvain, adepte du massage tantrique, profondément respectueux du corps des femmes mais guère doué pour les sentiments… Au fil du récit de ses expériences, de ses rencontres, de ses amours, l’autrice assume à 100% son impudeur : en disant tout, elle se soigne elle-même et elle offre à d’autres femmes qui auraient vécu des situations similaires l’occasion de se projeter. Un parti pris intéressant, original et courageux, mais qui trouve à la longue ses limites, dans l’accumulation de péripéties contées en longueur et dans la « révélation » finale, dont on peine à saisir l’intérêt. Enfin, malgré toutes ses qualités indéniables, Éclore souffre un peu de la comparaison avec Impénétrable, qui explore par moments des thèmes proches, mais avec une distance narrative plus percutante et des choix graphiques plus audacieux. L’album demeure néanmoins tout à fait recommandable, par son engagement et les mots forts qu’il met sur des instants de vie finalement très communs mais peu partagés.