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Eldorado

3 septembre 2018 |
SERIE
Eldorado
DESSINATEUR(S)
SCENARISTE(S)
EDITEUR(S)
PRIX
26 €
DATE DE SORTIE
23/08/2018
EAN
2754821694
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Eldorado est un mirage. Celui des promesses de l’industrialisation, faites par le patronat aux forçats de la classe ouvrière. C’est l’illusion bourgeoise, appuyé par le progrès de la science au XIXe siècle, que l’homme peut se mettre au-dessus des lois de la nature. Ces promesses, Marcello, jeune fils d’immigrés italiens et petit ouvrier, n’y croyait même pas. Lui croit en la justice, en l’amour. Mais justement, à cause de son rôle de leader dans une grève qui paralyse son usine, et de ses amours impossibles avec la douce Louisia, promise à un autre, il est entraîné malgré lui dans la gigantesque broyeuse industrielle de ce qu’on devine être le creusement du canal du Panama. Là-bas, pour tenir, il s’accroche désespérément à l’image de sa bien-aimée en lui écrivant, chaque jour. Des lettres qui tomberont, par hasard, entre les mains d’une femme vivant non loin, elle aussi déracinée et perdue.

eldorado_image1Eldorado impressionne avant tout sur le plan graphique. En effet, le jeune Damien Cuvillier (Nuit noire sur Brest) est assurément déjà un grand dessinateur réaliste, doublé d’un aquarelliste surdoué. Son trait, gras et profond, rappelle dans ses croquis celui de Benjamin Flao. Mais dans cet album, on pense au François Boucq du Bouncer – tant dans le dessin que dans la couleur – avec une légère touche de Julien/CDM par moments.

Sur le fond, Eldorado est fondé par un propos politico-historique fort et bien documenté. La lutte des classes est partout présente dans le premier scénario de la journaliste Hélène Ferrarini, liée de près aux thèmes de l’écologie et du colonialisme, qu’elle présente assez finement comme des phénomènes interconnectés. Mais le problème, c’est qu’en prenant le parti d’écrire sur l’histoire collective, elle en délaisse les trajectoires individuelles de ses personnages. Ils sont parfois faiblement incarnés, et l’intérêt d’une intrigue déjà un peu poussive s’en trouve encore réduit. Ce défaut se trouve mis en relief à une narration lente et contemplative qui pourra rebuter. Cela dit, en plus d’être un excellent dessinateur, Damien Cuvillier maîtrise parfaitement le sens de la scène, du tableau, du rythme et du découpage. Il prend tout son temps pour raconter, et le dessin parle finalement beaucoup plus que le texte.

Malgré ses longueurs atypiques, Eldorado reste donc une bonne BD d’anti-aventure. Peut-être, d’ailleurs, pourra-t-elle plaire à certains lecteurs avertis grâce à ses partis-pris particuliers… là où les autres s’ennuieront fermement passées les cinquante premières pages.

Mathieu Pequignot

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