Jeune descendante d’un peuple opprimé, Elin est élevée par sa mère, soigneuse de Tōda, sorte de dragons serpents vivants dans l’eau. Toutes deux  semblent avoir le don de communiquer avec les animaux. Un jour, la maman est injustement jugée coupable d’avoir décimé un groupe de Tōda : on ordonne son exécution. Elin voit la scène de ses propres yeux, mais, si elle n’arrive pas à sauver sa mère, elle parvient à s’échapper de justesse. Recueillie par un apiculteur, elle va par la suite se former à son tour au métier de soigneuse…

Les histoires de fantasy sont à la mode en ce moment et il est vraiment difficile d’arriver à se démarquer. Elin – La Charmeuse de bêtes a l’intelligence d’y aller doucement, à contre-courant, et sans vouloir en mettre plein la vue. C’est toute la chaleur humaine et la profondeur des sentiments qui cueillent le lecteur. Pas besoin de grands pouvoirs, de magie, d’être graveleux ou de pomper dans le bestiaire classique pour prétendre œuvrer dans le genre avec brio. Ce manga adapté de la série de romans La Charmeuse de bêtes de Nahoko Uehashi (autrice prolifique, anthropologue et multiprimée, qui a notamment reçu le prestigieux prix Hans Christian Andersen en 2014) le prouve, avec cette histoire captivante, riche en émotions et pleine d’un charme raffiné.

La mangaka Itoe Takemoto parachève son entreprise en enchantant notre regard. Au diapason, ses dessins doux et délectables sont enveloppants de bienveillance. Se déroule sous nos yeux un beau parcours initiatique qui bouscule les préjugés et règles établies : il se révèle au fur et à mesure d’une grande richesse thématique et scénaristique, tout en donnant à ses personnages une profondeur et une humanité qui les rend très attachants.

Profond, dramatique et sans emphase, ce récit prône le respect et l’écoute de l’autre, la bienveillance animale et amène à réfléchir sur l’humain et ce qu’il fait de son environnement. Sa trame avance rapidement et on voit grandir Elin à vue d’œil. Elle se révèle à chaque étape. On s’attache à elle, à son humanité, à la justesse de son comportement.

Kemono no sôja © 2009 (art) Itoe Takemoto (story) Nahoko Uehashi / Kodansha Ltd. – Traduction : Emmanuel Bonavita