Elle s’appelait Tomoji
Dans le Japon rural de l’ère Taisho (1912–1926), les jours s’écoulent au rythme d’une vie simple et sereine. La jeune Tomoji, humble et travailleuse, forge progressivement sa personnalité au contact des joies et des peines de la vie. Devenue adulte, le destin la conduira au plus beau des éveils : l’amour.
Travail de commande réalisé en 2014, Elle s’appelait Tomoji est né d’une requête d’un temple bouddhiste que fréquente le couple Taniguchi, consistant à valoriser le lieu ainsi que sa fondatrice, Tomoji Uchida. Les planches ont donc été pré-publiées dans le bulletin du temple, à destination des habitués. Ceci explique le manque que nous, lecteurs occidentaux, pouvons ressentir, ayant du mal à rattacher le personnage de Tomoji au lieu de culte en question – l’histoire s’arrête bien avant sa fondation et ne contient aucune référence à la spiritualité. Malgré cela, le récit de vie peut se prendre pour lui-même, en tant que portrait intimiste d’une jeune japonaise au début du XXe siècle. Il faudra toutefois s’infliger une vision bien-pensante et aseptisée du monde, où les personnages sont presque tous lisses, vertueux, et où les événements malheureux (et clichés) sont digérés en quelques pages. Ainsi qu’un récit au rythme plat, à l’intrigue mince, au sein duquel l’auteur se sent obligé de commenter l’évidence, usant de récitatifs aussi lourds que ringards. Bien que la peinture d’époque soit charmante, l’émotion a du mal à passer dans ces conditions… Ne laissons pas la caution « zen » ou l’harmonie du graphisme – fin, tendre, le style Taniguchi connait son apogée – servir d’éternels boucliers. Il faut se rendre à l’évidence : on s’ennuie. Les inconditionnels du mangaka pourraient toutefois y trouver leur compte, mais aux nouveaux venus, nous conseillerons L’Homme qui marche, récemment réédité et plus subtil.
© Jiro Taniguchi / Miwako Ogihara, 2014.
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« l’histoire s’arrête bien avant sa fondation et ne contient aucune référence à la spiritualité. »
Au contraire, la spiritualité est dans tous les détails de l’ouvrage. Mais comme vous êtes passé à côté avec votre vision toute occidentale, vous n’avez pas compris.
L’intérêt de cet album est justement de décrire des moments simples du quotidien d’une japonaise rurale du début du XXème siècle. Un monde très loin du nôtre, où tout compte, jusqu’au moindre grain de riz. Et c’est justement à l’intérieur de ces « grains de riz » que se cache la spiritualité.
C’est toujours pareil, les critiques reprochent aux livres qu’ils ne comprennent pas de ne pas être les livres qu’ils voudraient avoir lus. Et comme ils se croient capables de faire autorité en matière de bon goût, ils se permettent de distribuer des notes comme des professeurs qu’ils ne sont pas. -
Je n’ai pas dit que vous avez mauvais goût mais que vous vous croyez capable d’autorité en matière de bon goût. Nuance. Vous vous basez sur votre expérience, vos connaissances et votre sensibilité. Point de vue inévitablement subjectif et relatif qui n’engage que vous.
Alors à quoi servez-vous ?
À rien. Faire parler.Il est question d’un ouvrage de commande. Ce qui explique peut-être qu’il soit différent d’autres ouvrages de Taniguchi. À quoi bon comparer une pomme avec une orange ?
Qu’a voulu faire l’auteur ? Éviter le biopic convenu. Se concentrer sur ce qui fera la destinée d’un personnage. Pour ça, il faut le prendre à sa source, tenter de comprendre son parcours, ce qui l’a constitué. Pas évident à rendre. Taniguchi s’est expliqué sur les difficultés qu’il a rencontré en élaborant son ouvrage. Et il le fait avec minimalisme. C’est dans ce minimalisme que le lecteur peut s’interroger. Pas d’extravagance. Juste une description d’un quotidien plein d’humilité. C’est bouddhiste. Contemplatif, plein d’abnégation. Loin de la plupart d’entre nous (occidentaux).Quand vous dites « une vision bien-pensante ». Vous parlez en lecteur occidental. Vous oubliez immédiatement qu’il s’agit d’une commande et de la religion de l’auteur.
Quand vous dites « on s’ennuie ». Vous parlez pour vous. Je ne me suis pas ennuyée un seul instant. Dites « je », « on » n’est jamais vous.La difficulté avec ce livre : pour des occidentaux, comment l’aborder ?
Vous ne répondez pas à cette question, vous vous contentez de « juger » avec votre regard éclairé de consommateur bédéphile occidental.Les critiques sont autant critiquables que les livres qu’ils critiquent.
La meilleure manière de critiquer en Art est de produire des œuvres.
Faites des œuvres. Une critique peut être une œuvre. De grands écrivains l’ont démontré.Pour ce qui est des notes, aucun lecteur ne vous y oblige. C’est uniquement votre choix. Des étoiles collés sur un article, n’est peut-être pas le meilleur moyen d’inviter un lecteur à vous lire, non ?
Et enfin, si vous n’acceptez pas d’être critiqué, votre point de vue restera toujours limité ou faiblement éclairé. -
Ca serait dommage de fermer les commentaires.
Au milieu de la mauvaise foi évidente du genre « Les critiques sont autant critiquables que les livres qu’ils critiquent. »
il y a quand même des points intéressants et argumentés dans les remarques de Jojo comme le paragraphe : « Qu’a voulu faire l’auteur ? (…) Juste une description d’un quotidien plein d’humilité. C’est bouddhiste. Contemplatif, plein d’abnégation. Loin de la plupart d’entre nous (occidentaux). »
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Ne pas revenir sur votre site ne vous rendra pas plus utile.
Messieurs, fermez les commentaires et abstenez-vous de critiquer si vous n’acceptez d’être critiqués !
Avec l’ère du net ( et son agora moderne qu’est le droit au commentaire), une critique n’a pas plus d’importance qu’un commentaire.
Fermez les commentaires, vos « points de vue » auront plus d’impact !
Mon argument est simple : Frederico Anzalone a un regard occidental sur une œuvre bouddhiste. Inévitablement, il passe à côté. Si vous n’avez pas d’argument à opposer à ça, alors votre critique n’a guère d’intérêt. -
Je ne suis pas bouddhiste. Quand j’ai un livre sous les yeux, j’essaie juste de comprendre ce que l’auteur a voulu dire et faire. Aucun livre n’est parfait et chaque lecteur à son regard critique. C’est pour ça que toute critique est critiquable et que tout livre est aussi une réponse à une critique.
Tomoji n’est pas facile d’accès, moins que « L’homme qui marche ». Mais c’est justement ce qui fait son intérêt.
Avec cette œuvre, on est loin d’un manga pouvant correspondre aisément à « notre goût » européen. Tomoji est plus exotique.
Pourquoi? Parce qu’il est franchement question d’une autre culture et qui dit culture sous-entend inévitablement religion. Pour quelqu’un qui ne connaît pas le bouddhisme, ce livre peut être intéressant. Cela ne veut pas dire qu’il vous rendra bouddhiste. Simplement, on goûte à une autre vision du monde. En suivant Tomoji sans a priori, on peut percevoir ce qui sépare la pensée occidentale de la pensée extrême orientale.
Par exemple, la mort arrive et est digérée en quelques pages. Ce que semble ne pas comprendre votre critique. Mais oui, la mort est rapidement digérée parce que la vie continue et qu’il faut l’accepter. C’est bouddhiste. En Europe, on a du mal avec ça. Pourtant, il y a eu les stoïciens, Sénèque… Mais ce n’est pas notre rapport au monde, au matériel, au vivant…Si la critique a un sens, c’est bien d’engager la discussion, n’est-ce-pas ?
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Dans l’entretien qui accompagne l’ouvrage, Taniguchi dit qu’il n’est « pas pratiquant régulier », ce qui ne veut pas dire qu’il « n’est pas plus bouddhiste que vous et moi ».
Un ouvrage qui parle de bouddhisme n’est pas un ouvrage bouddhiste comme un livre sur la Bible ou le Coran n’est ni la Bible, ni le Coran.
« un stoïcisme asiatique où tout le monde est beau et gentil » : cela n’engage que vous.
Etc.
Vous êtes totalement approximatif… mais de mauvaise foi, bien sûr que non !
L’intérêt de votre dernier commentaire est d’un peu mieux « éclairer » votre article. C’est bien ! Merci ! -
« une vision bien-pensante et aseptisée du monde »
Le monde se divise donc en deux catégories : les idiots bien-pensants qui ont aimé la poésie de cet ouvrage, et les-courageux-rebelles-prenant-des-risques-inconsidérés-pour-combattre-la-vision-unique-et-le-politiquement-correct-imposés-par-le-méchant-auteur.
Je comprend tout à fait que vous vous soyez ennuyé et que vous n’ayez pas aimé cette BD, mais pourriez vous s’il vous plaît ne pas vous montrer méprisant (car oui, « bien pensant » et « aseptisé » sont des termes méprisants) envers ceux qui ont un autre avis?
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