En attendant le nouveau Daniel Clowes, deux rééditions essentielles
Pour patienter avant la sortie très attendue du nouvel album de Daniel Clowes (intitulé Patience, le 3 octobre), Cornélius réédite deux BD de l’un des auteurs les plus importants de ces dernières décennies.
Tout d’abord Le Rayon de la mort (épuisé depuis quatre ans), réflexion douce-amère sur une pop culture qui produit des héros médiocres, entre récit de super-héros détourné, chronique du quotidien et satire sociale, où l’éloge du mal fait figure de salut libérateur. Pas le plus connu des albums de l’auteur américain, cette fable post-moderne sur le mal-être des teenagers reste une excellente porte d’entrée sur un univers fascinant, conjuguant désenchantement visionnaire et lucidité douce-amère. Pour cette réédition, une nouvelle couverture cartonnée du plus bel effet, ainsi que des pages supplémentaires issues de l’édition américaine.
Mais si Cornélius est l’éditeur attitré de Daniel Clowes en France (David Boring, Eightball, Ice Heaven, Wilson, Mister Wonderful), il manquait tout de même au catalogue la pièce maîtresse de son oeuvre, celle qui l’a fait (un peu) connaître du grand public : Ghost World, adapté au cinéma par Terry Zwigoff en 2001, qui était initialement sorti en France en 1999 chez Vertige Graphic. Cornélius vient donc d’acquérir les droits de ce chef d’œuvre culte et en a profité au passage pour améliorer la traduction, l’épiçant ici ou là.
Ghost World, c’est l’histoire de deux ados en mal de repères. Enid Coleslaw, méprisante et sans illusions, déblatère sur la médiocrité de ses contemporains et le vide de l’existence quand sa copine Rebecca Doppelmeyer, naïve et sans ambition, au contraire, tente de se fondre dans le moule social en acceptant ses règles. Deux spectatrices désabusées d’une vie à la dérive. Que faire de sa vie quand on n’a envie de rien et qu’on est bien trop lucide pour croire en un avenir radieux ?
Daniel Clowes, « grand peintre de la cruelle banalité de la vie quotidienne », brosse le portrait d’une génération paumée au cœur des suburbs, rongée par l’insignifiance de leurs existences et sonde en creux la difficulté du passage à l’âge adulte, non sans ironie froide. L’Amérique décrite, vide de sens, est peuplée de fantômes prêts à vous hanter à chaque coin de rue. Impossible d’y échapper… Oui mais voilà, si la BD fascine, c’est avant tout par le regard original qui s’y déploie : l’aliénation peut malgré tout être source de beauté et de poésie à même de surprendre dans un océan de bassesse, avec une évidente empathie pour des personnages qu’on devrait détester. Profondément touchant et d’une beauté infinie.
N’attendez donc plus, plongez dans l’une des œuvres les plus fascinantes de la BD moderne, avec ces deux albums qui touchent à l’universel dans un graphisme délicieusement suranné, comme un hommage appuyé à l’âge d’or des comics. Des albums qui autorisent de multiples lectures sans en épuiser le sens et le mystère. C’est ce que l’on appelle des classiques.
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Le Rayon de la mort, 21,50 €, nouvelle édition en juin 2016.
Ghost World, 22,50 €, nouvelle édition en juin 2016.
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