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Éric Dérian, les 23h de la BD et le numérique

22 mars 2010 |

23hintroÇa ressemble aux 24h de la bande dessinée, ça demande le même nombre de pages… mais ça ne dure que 23 heures et ça se passe à Tours. La troisième édition des 23 heures de la bande dessinée aura lieu entre le 27 et le 28 mars. Pour en savoir plus, et comprendre où est passée cette heure en moins, Bodoï a interrogé Éric « Turalo » Dérian, dessinateur du Blog de Franquin, (Drugstore/Foolstrip, 2009), et grand animateur de ce marathon BD.

D’où vient l’idée des 23h de la BD ?
Angoulême avait lancé l’adaptation du 24h comics day américain, en 24 heures de la bande dessinée d’Angoulême, ce qui était une bonne idée. L’erreur était de l’organiser la veille du festival, du mercredi au jeudi. Pour les professionnels un peu avancés en âge, mais aussi pour les plus jeunes, faire une nuit blanche, alors qu’on va passer les quatre jours suivants à courir et rencontrer des gens lors du plus grand festival de France, c’est se tirer une balle dans le pied. Et les amateurs ont généralement un travail, et ne pas dormir une nuit en milieu de semaine n’est pas facile non plus. 23hafficheAvec deux amis, Piak et Taillefer, nous étions frustrés de ne pas pouvoir participer. D’où l’idée de faire nos propres 24h de la bande dessinée.

C’était donc un défi entre copains…
Oui. Seulement, je ne voulais pas reprendre le concept tel quel. Ça sonnait trop « manifestation régionale ». Un soir où nous en parlions, j’ai réalisé que le changement d’heure arrivait à grand pas, soit une journée de vingt-trois heures… Si on pouvait faire vingt-quatre pages en vingt-quatre heures, on pouvait aussi bien réussir à faire le même nombre de pages en vingt-trois heures seulement. Voilà l’élément qui nous différenciait de la manifestation d’origine. Au départ, c’était tout petit : nous pensions sincèrement faire ça dans notre coin avec Piak, Taillefer, et quelques autres amis, entre dix et douze personnes de la région.

Comment avez-vous atteint plus de soixante participants ?
J’avais monté un blog pour soutenir le travail de dix à vingt personnes de confiance, et quand j’ai ouvert les inscriptions, on s’est retrouvé à environ 73, y compris des inconnus. Un certain nombre de problèmes se sont posés : à douze, on pouvait sans problème confier les codes d’accès du blog pour que chacun mette ses pages en lignes, mais à 70, on ne savait pas ce qui pourrait arriver. Comme les autres avaient du travail en journée, je me suis retrouvé seul à la barre, et ce qui devait prendre deux ou trois demi-journées a finalement pris vingt jours à plein temps, entre l’enregistrement des inscriptions, l’élaboration d’un règlement, les présentations des participants à mettre en ligne et les mises à jour quotidiennes. Je travaillais avec les éditions Foolstrip à l’époque, et j’ai pu leur demander de plancher sur un thème.

Qu’est-ce qui a évolué depuis 2008 ?
La première année a été une excellente surprise, mais il n’était pas question que je m’arrête vingt jours l’année suivante comme je l’avais fait, car j’avais beaucoup de travail. Il a fallu trouver d’autres solutions. Le blogueur Ad nous a concocté une plateforme qui permet à chacun de mettre lui-même ses planches en ligne, et qui ressemble un peu à celle des 24h. C’est vraiment bien. Cette année nous n’aurons plus qu’à mettre à jour le rédactionnel du site.

Quel bénéfice en retirez-vous ?
À part de nouvelles rencontres, ça ne rapporte rien. L’année dernière, nous avons eu des participants de l’étranger. De mémoire, il y avait des Canadiens, des Africains. Concernant les chiffres, le budget total de la manifestation est de 72 €, soit le prix annuel du nom de domaine. Tout le reste, c’est de la bonne volonté, l’envie de gens motivés. C’est Nusse, un participant suisse bilingue, qui a fait bénévolement la version anglophone du site. J’ai aussi pu faire la connaissance de plusieurs participants. Avec Ad, nous nous sommes rapprochés, et après les premières 23h, les éditions Bleu Nuit sont venues vers nous. Elles cherchaient des illustrateurs pour une collection de livres jeunesse sur les grands compositeurs, et plusieurs travaux leur ont plu. Je suis devenu leur directeur artistique sur ce projet.

23hbalakEst-ce de la bande dessinée numérique à vos yeux ?
À proprement parler, non. Il n’y a pas encore de bande dessinée numérique aujourd’hui. Je regrette d’ailleurs de ne pas pouvoir mettre davantage en avant cette année ce que je considère comme de la BD numérique. Pour y parvenir, il faudrait sans doute revoir le règlement, car cela demanderait beaucoup de modifications techniques. En l’occurrence, même si certaines planches sont réalisées avec des outils numériques, le résultat reste de la bande dessinée proche du format traditionnel mais diffusée sur Internet. La bande dessinée numérique, selon moi, c’est une bande dessinée qui utilise les spécificités réelles de son support de diffusion. Une bande dessinée en livre utilise les principes du vis-à-vis, du cliffhanger en fin de page… La diffusion numérique permet largement d’autres possibilités, bien distinctes des spécificités propres à la narration BD du format livre. Pour trouver des créateurs de véritables BD numériques, on peut aller voir par exemple Prise de tête de Tony, Bleuh le blog de Moon, ou NAWLZ. Parmi les pionniers, il faut citer Balak. La bande dessinée numérique n’est pas un média nouveau qui s’oppose à la bande dessinée traditionnelle. Internet n’est pas un support si nouveau, mais un auteur devrait toujours se demander comment il souhaite mener son récit pour le papier ou pour le numérique.

Avez-vous aujourd’hui des projets prévus pour le support numérique ?
Je travaille actuellement comme scénariste sur un projet avec Yannick Lejeune, éditeur chez Delcourt chargé du numérique. Mais il est trop tôt pour en dire plus.

Propos recueillis par Yves Common

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3e édition des 23 heures de la bande dessinée.
Les 27 et 28 mars 2010, pendant la nuit du changement d’heure.
Ouvert à tous.

Toutes les infos sur le site : http://23hbd.com

Photo © Chloé Vollmer-Lo / Festiblog (DR) – Image © Balak

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