Escroqueuse
Le diabète est une maladie terrible qui touche des centaines de millions des personnes dans le monde, qui peut entraîner de graves complications sur différents organes ou fonctions du corps humain, voire la mort. Pourtant, elle est mal connue, a mauvaise image (on y accole volontiers des stéréotypes d’obésité, de laisser-aller, de manque de volonté…) et ne semble pas être une priorité pour les laboratoires pharmaceutiques, qui se contentent de faire des profits avec la vente de l’insuline de synthèse, substance essentielle à la survie des diabétiques. Plutôt que de chercher des remèdes ou des solutions adoucissant le quotidien des patients. Car c’est ce que montre cet album : être diabétique est un enfer.
S’inspirant de sa propre vie avec la maladie, et surtout son enfance et son adolescence, la journaliste Ana Waalder propose un livre percutant, entre documentaire solidement sourcé, autobiographie émouvante et témoignage engagé. On apprend ainsi énormément de choses sur la maladie elle-même et la manière dont les diabétiques peuvent vivre ses symptômes et ses conséquences. Notamment leur « soumission » à des crises d’hypoglycémie ou d’hyperglycémie, potentiellement ultra violentes et dangereuses, et pas toujours prévisibles. Mais aussi sur leurs sentiments, leur détresse, voire la dépression. Car vivre avec le diabète, c’est se priver en permanence, avoir peur, souvent, se faire discriminer, beaucoup, et forcément peiner à envisager l’avenir.
La grande force d’Escroqueuse est aussi de déployer un système graphique et narratif original, qui permet d’ingurgiter de nombreuses informations sans avoir l’impression de lire un essai vaguement illustré (sauf peut-être dans la dernière partie, façon magazine – mais assez réussie dans le genre) et de faire passer l’émotion sans être impudique. On pensait avoir déjà entrevu, dans les dernières années, toutes les possibilités de la BD du réel, ce puissant album prouve le contraire : quand des auteurs veulent se donner les moyens de trouver le bon équilibre entre journalisme et langage dessiné, et qu’ils puisent dans toutes les ressources du 9e art (recours à la fiction, au gag, à l’analogie, au grotesque…), ils peuvent produire une oeuvre hybride excitante et édifiante. Bravo.
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