Espèces invasives
Six scientifiques du monde entier – ornithologues, parasitologues, entomologistes… – se réunissent à Buenos Aires pour débattre du sujet des espèces invasives. Comme certaines grenouilles ou fourmis, qui envahissent des territoires sur lesquelles elles sont importées, et déséquilibrent l’écosystème. Très vite, ces savants se rendent compte qu’un phénomène se répète de continent en continent et, le plus curieux, au sein d’espèces invasives qui n’ont rien à voir entre elles : au-delà d’un certain seuil d’invasion, ces espèces connaissent une chute brutale et inexpliquée de leur population de 40%. C’est alors qu’une étrange épidémie se déclenche sur le globe : plus personne n’est capable de dormir. Et sans sommeil, l’espérance de vie est très limitée…
Pour un premier album, c’est un très joli coup. Nicolas Puzenat développe en effet un scénario de science-fiction fascinant et sans esbroufe, autour d’une possible apocalypse humaine, à la fois improbable et crédible. En effet, l’humanité partage ce besoin vital de dormir, pour ne pas éreinter un corps somme toute fragile. Mais privés de sommeil, et une fois les plus puissants anesthésiques épuisés (source de guerre civile les premières semaines, forcément), il ne restera plus aux survivants qu’à mourir. En s’appuyant sur la théorie d’une planète trouvant les moyens de se débarrasser de ses nuisibles, dans une proportion suffisante pour survivre, l’auteur construit tranquillement et subtilement son puzzle, comme un petit théâtre (l’hôtel en travaux) avec ses acteurs (les scientifiques, parfois un peu louches), qui deviennent spectateurs d’un monde finissant. La mise en abyme est parfaite, et permet à la fois de construire un discours de SF solide et un conte intime sur la question de la survie (à quoi bon, finalement?). Par cette mise en scène étudiée, son dessin aux hachures vibrantes (qui fait un peu penser à celui d’Hervé Tanquerelle), et son récit sans concession, Espèces invasives impressionne de bout en bout. Bravo.
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