Essence
Achille est coincé dans un bien étrange pays. Désertique, peuplé de dingues qui collectionnent des objets familiers mais refusent d’être payés pour les céder. Où l’on peut changer de décor ou de bagnole par la pensée. Mais où il ne fait pas bon se balader seul la nuit, au risque de se perdre. Heureusement, il n’est pas seul dans ce purgatoire. Achille est accompagné de son ange gardien, une brune piquante chargée de lui faire comprendre comment il en est arrivé à mourir.
Au scénario, Fred Bernard, auteur accompli de la saga de Jeanne Picquigny notamment. Au dessin, Benjamin Flao, virtuose du pinceau, attiré par l’ailleurs (Va’a, Kililana Song…). Ensemble, ils tournent la clef de contact d’une rugissante américaine et tracent la route d’une enquête à rebours, celle d’un as du volant tentant de se rappeler les raisons de sa mort – pour pouvoir passer à autre chose. Mais il y a les distractions de ce drôle de purgatoire, qui convoque les souvenirs et les rêves, les espoirs et les angoisses, dans un joyeux foutoir aux vapeurs de gasoil. Les deux auteurs se rejoignent sur des goûts communs, le rock, le voyage, les femmes, l’indépendance. Un truc de mâle, en apparence, mais qui ne recule pas devant l’autodérision. Et puis, ce livre est aussi un album de fans de BD, avec des références directes à Hergé, Franquin, Moebius, et un style parfois volontairement rétro, de Tillieux à Jano. Dans un grand format carré propice aux grandes cases bluffantes, Bernard et Flao carburent donc à la nostalgie, mais avec recul et intelligence, et un sens de la narration qui vous attrape par le col et vous trimballe partout, coûte que coûte. Pour le plaisir d’une bonne histoire, le vent dans les cheveux, même si c’est parfois sale et triste. Mais la vie, ce n’est pas jamais seulement sale et triste. Ça peut être vibrant et lumineux. Faites donc le plein d’Essence, vous ne le regretterez pas.
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