Et on tuera tous les affreux
Rocky Bailey est un beau gosse : un bellâtre qui pavane sur Monica Beach à Los Angeles, entouré des plus belles « pin-up » de l’après-guerre. Et pourtant, il se refuse obstinément à elles, désirant conserver sa virginité jusqu’à ses vingt ans. Un soir, dans un club de jazz, il est enlevé et drogué par le Dr Shultz qui tente de le soumettre au charme d’une magnifique créature …
Pour sa quatrième adaptation des romans de Vernon Sullivan, pseudo de Boris Vian, JD Morvan (Sillage, Stanley Greene, Sauvage…) s’attaque à un récit burlesque, pétri de culture américaine et sis dans les préoccupations de l’époque : les expériences eugéniques des nazis et le début du culte de la beauté et de la perfection, dont les États-Unis sont le vecteur, via l’American Way of life.
La narration respecte l’univers de Vernon Sullivan, alter ego de l’auteur de L’Écume des jours, qui, à travers lui, développait sa passion pour la subculture américaine et flirtait avec la censure (qu’il avait affronté, en tant que Boris Vian, avec J’irai cracher sur vos tombes, roman censuré pour pornographie). En se revendiquant comme simple traducteur de Vernon Sullivan, il laissait libre court à ses angoisses eschatologiques et même (et surtout) à ses fantasmes. Le trait du dessinateur Ignacio Noé met en scène cet univers sans éluder ni nudité ni coïts divers. De l’ensemble émerge un malaise, ce qui n’aurait pas déplu à l’auteur, qui interroge notre voyeurisme. À l’inverse, on se questionne négativement sur cette volonté de mettre en image une pensée aussi foutraque que celle de Vernon-Boris : est-ce possible ? est-ce souhaitable ? Les auteurs ont-ils réussi leur pari à 100 % ? Pas si sûr tant la statue du commandeur est grande, et sa pensée insaisissable.
Un album difficilement lisible en tant que « one shot » mais qui n’est pas dénué d’intérêt une fois replacé dans les récits de Sullivan et la vie de Vian.
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