Etunwan, Celui-qui-regarde
Plusieurs histoires s’entremêlent ici : un homme entreprenant un voyage au bout de lui-même, la conquête de l’Ouest et la naissance de la photographie. Joseph Wallace est photographe pour une mission cartographique ordonnée par l’administration américaine. Dans un voyage en profondeur, il découvre son pays, le grand Ouest et le peuple sioux Oglala. Son retour à Pittsburgh sera le long préambule d’un nouveau départ.
La forme et le fond s’épousent parfaitement dans cet ouvrage où de grands dessins racontent les grands espaces, dans un sépia granuleux qui rend hommage aux débuts de la photographie. Cette dernière en est à ses balbutiements, entre art et science, évolutions techniques, portraits en atelier et paysages en lumière naturelle. Wallace personnifie ces errements.
Thierry Murat (Au vent mauvais, Les Larmes de l’assassin…) se risque à tout esthétiser. Mais l’Indien n’est pas un simple décor sublimé par le photographe. Le voyage intérieur into the wild est adossé à une quête d’altérité, puis dépassé par l’échec d’une amitié facile entre indigènes et colons. Trois occurrences de la « dignité » indienne évoquent tout de même le touriste béat face à l’autochtone exotique.
Souvent efficace, tantôt philosophique, tantôt poétique, le texte crée certaines redondances avec le dessin. Le crayon propose alors mieux que la plume, qui alourdit des subtilités et grossit des symboles jusque-là tranchants. Les mots sont heureusement rythmés par le recours à différents registres : dialogues, descriptions, échange épistolaire, carnet de bord, emprunts à la littérature – dont une délicieuse discussion entre Les Fleurs du mal et l’Ancien Testament. Pour autant, les silences sont parfois les passages les plus parlants.
Au final, les personnages incarnent l’enthousiasme américain, l’interculturalité, les débuts de la photographie, l’inconnu. La plupart de ces archétypes semblent avoir été volontairement amenés puis questionnés. Et l’on reprochera difficilement à la naissance de la photographie quelques clichés.
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C’est fou, cette peur du texte chez les chroniqueurs bd…
Pour moi Etunwan est d’abord un texte. J’en sais quelque chose. Puisque je l’ai écrit.
Il n’y a pas de redondances texte-image dans ce livre.
Je ne peux pas laisser dire cela.Non, le crayon ne propose pas mieux que la plume.
Et la plume n’alourdit pas les subtilités.C’est le regard stéréotypé du chroniqueur bd qui alourdit la lecture.
À moi d’évaluer la chronique :
Ma note : 8/20
Mon appréciation : une lecture sincère et de bonne volonté, mais tout de même avec des pieds de plomb. -
« Chroniqueur BD », c’est la pire insulte qui soit !
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Non, non je n’insulte personne.
Chroniqueur bd chez Bodoï, c’est tout à fait honorable.
La pire insulte qui soit, serait peut-être : critique littéraire à l’Automobile Magazine.
Et encore… Y a pas de sot métier, hein… -
Cher monsieur,
Avant tout, je suis désolé qu’un passage de ma chronique ait pu vous froisser. Ce n’est évidemment pas le but, ça ne l’est jamais, même lorsque les lectures sont de mauvais moments, et ce fut bien loin d’être le cas.
Mon avis quant à certaines redondances texte-image se réfère à des passages au style indirect, où la narration s’approche de la description. Alors, à mon sens, le dessin se suffit à lui-même et le texte répète parfois ce que l’on voit déjà. Dans ce que je considère alors comme une sorte de répétition, je trouve qu’à choisir, le dessin prévaut sur le texte, à la fois du fait de l’élégance et de l’efficacité du crayon.
En tant qu’auteur, à défaut de savoir ce qui sera évident et ce qui sera inaccessible au lecteur, il me semble qu’on tangue fréquemment entre l’ésotérisme et l’explicitation inutile. Je trouve que, à certains passages, cet ouvrage incline vers le second bord plus que vers le premier. Intéressant d’apprendre en lisant votre commentaire que c’est pour vous « d’abord un texte ». Peut-être ce dernier a-t-il été trahi a posteriori par la précision de votre dessin. Sa lecture n’en fut pas moins un excellent moment pour ma part.
Je n’ai pas peur du texte, au contraire, j’y suis peut-être trop attentif. Et je trouve à ce titre les dialogues réussis.
Bonne continuation à vous.
Commentaires