Matt Madden est un auteur bien connu des amateurs de bandes dessinées dites « oubapiennes » (pour Ouvroir de bande dessinée potentielle), c’est-à-dire des BD créées sous contrainte formelle ou réfléchissant sur leur propre grammaire narrative et visuelle. Son 99 exercices de style, déjà à L’Association, reste une référence jouissive en la matière. Là, il propose un long récit en vision subjective, plein de références à l’histoire du 9e art, où la bande dessinée serait à la fois une prison et la clef pour en sortir…

On vit ainsi ce huis-clos par les yeux de son unique personnage, entrant dans une chambre pour y trouver un repos salvateur. Une pièce qui serait anonyme si elle n’était pas riche d’une bibliothèque fort bien remplie, mais uniquement de bandes dessinées. Peu familier de ce genre d’ouvrages, notre protagoniste va tenter de s’y plonger : mais entre récits intimistes, fictions horrifiques, aventures exotiques ou essais théoriques, tous ces livres vont le renvoyer à sa propre dépression et à son propre enfermement…

Le fan de BD s’amusera des mille et un clins d’oeil glissés ici ou là, au fil d’un récit qui évoque à la fois le travail de Marc-Antoine Mathieu sur la mémoire et la puissance de la fiction dessinée, le Hicksville de Dylan Horrocks (petit bijou indé et véritable déclaration d’amour à la bande dessinée), et l’Oubapo pour ses contraintes formelles (ici, une vision subjective à 100% et des ressorts dramatiques issus des livres manipulés par le personnage). Toutefois, malgré le soin maniaque apporté aux cadrages et aux typographies changeantes, on reste dans le plus pur exercice de style, plus technique qu’émotionnel, et les surprises finales paraissent un peu faibles par rapport aux quelques jolies trouvailles du récit. Un album pour spécialistes, ambitieux mais un brin frustrant.