Extases #1
On ne l’attendait pas là, et c’est sans aucun doute une des plus belles surprises de la rentrée. À 59 ans, Jean-Louis Tripp, après huit années de Magasin général avec Régis Loisel, s’est lancé dans une autobiographie. Sous un angle bien particulier : sa vie sexuelle. Dans ce premier volume d’une confession fleuve (1er tome de 270 pages !), il raconte sa découverte de la sexualité, comment il voyait la chose enfant sous le prisme d’une éducation par une famille communiste, comment il a découvert son propre plaisir puis celui de sa copine, ses expériences de l’homosexualité, de l’amour à trois, des prostituées, d’une orgie, d’un sex-toy… Tripp a des choses à raconter et il le fait avec un engagement impressionnant.
En effet, tout en conservant un ton plein d’humour et de bons mots, avec des images qui en disent long tout en faisant immanquablement sourire, Jean-Louis Tripp se met littéralement à nu, lui et ses questionnements profonds à différents stades de sa vie. Il évoque le débordement d’hormones de ses jeunes années et son addiction à la masturbation dans des scènes cocasses, tout en rappelant le tourbillon d’interrogations que ce comportement engendrait sous son crâne. Ce schéma – descriptions des désirs, expériences sexuelles, tentative d’analyse de l’ensemble – se répète au fil de l’ouvrage et des années qui passe, sans jamais lasser. Car l’auteur a pris beaucoup de recul sur son sujet et lâche les rênes de l’autodérision : il ne s’épargne donc pas et trouve toujours le dessin – intime ou outrancier, rigolard ou touchant, c’est selon – pour animer son texte sans être redondant.
Résultat, ce premier tome d’Extases est passionnant de bout en bout. Car il est une réussite sur tous les tableaux : à l’heure du porno en libre accès sur le net, il est un idéal manuel d’éducation sexuelle, frontal (on ne compte plus le nombre de phallus dessinés…) mais honnête et respectueux ; il remet aussi un coup de jeune à l’autobiographie en BD, autour d’un sujet traité avec beaucoup d’humour et de tendresse ; et il est la démonstration que Tripp est au sommet de sa forme artistique, avec un trait d’une grande fluidité, duquel émane un évident plaisir de dessin. Bravo !
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