Les + du blog : VAILLANT 2/5
Hervé Cultru, dans Vaillant, la véritable histoire d’un journal mythique, raconte l’épopée du journal célèbre qui vivra jusqu’en 1969 (il se métamorphosera alors en Pif Gadget) et affichera des signatures aussi prestigieuses que Poïvet, Chéret, Tabary, Godard, Lécureux, Gotlib, Mandryka, Forest, etc.
Mais un journal, c’est d’abord des hommes, un univers, une atmosphère, une odeur, une légende qui se crée jour après jour. Nous vous invitons, tout au long de 5 épisodes à suivre, à pénétrer dans cet immeuble du 5 rue Montmartre, à Paris, qui abrita Vaillant. Et à découvrir cette alchimie bizarre qui aboutit à un journal sentant bon l’encre fraîche.
Après une petite réserve pour les fournitures, contiguë, un long corridor se présente sur la droite. Il dessert la cuisine, un endroit agréable, qui a ses fidèles, notamment le sympathique et talentueux Jean Lelièvre, éternel vagabond, qui vient régulièrement y prendre une soupe et un verre de vin, et reste sur place pour réaliser quelques beaux lavis. Il fournit, selon les besoins, des vues cavalières de locomotives, d’automobiles, d’avions ou de vaisseaux spatiaux, avec une interprétation très personnelle des règles de la perspective, qui augmente leur majesté. En vis-à-vis, un petit réfectoire rassemble les affamés sur le coup de midi (les nouilles y sont réputées). Au-delà, on tombe sur les toilettes (ça peut être utile), et sur le repère de la patronne, Madeleine Bellet, qui conserve la mémoire de la maison par-devers elle, tous les numéros parus, ainsi qu’une partie des planches, originaux et films, empilés depuis 1945.
Au bout du couloir, encore un coude sur la droite, et se succèdent les trois espaces les plus importants : celui de la mise en page, au premier plan, puis celui des secrétaires de rédaction et, tout au fond, le poste de commandement du rédacteur en chef. Le long de cette troisième et dernière enfilade une série de placards et de rayonnages resserrent les archives qui n’ont pas trouvé asile chez la directrice, ainsi qu’une abondante documentation, avec des collections de revues auxquelles un abonnement est souscrit, comme Paris-Match ou, plus tard, Pilote. On n’accède pas comme on veut à ces positions, les plus reculées du domaine, car la secrétaire de Madeleine joue les cerbères. La dernière partie de l’appart’ est réservée à « ceux qui pensent » (sic) et, pendant quelque temps, pour bien marquer une frontière symbolique, un avis est même placardé à l’entrée, où l’on peut lire quelque chose du genre : « Ne soyez pas impressionnés, il n’y a que des cons ici » (à moins qu’il ne se soit agi d’un plus laconique : « Attention, cons au travail ! ». Hélas ! les souvenirs des témoins sont si flous, parfois, qu’il n’a pas été possible d’établir le texte exact…).
Pourquoi une telle autodérision ? Il semble que l’effet recherché ait été de mettre à l’aise les nouveaux venus, tout en prévenant, avec une fine ironie, les remarques désagréables qui pourraient émaner des autres services… C’est qu’il y a de l’animation ! Les concepteurs de Vaillant sont de plaisants compères qui aiment grimper sur les tables, s’affronter à coup de boulettes de papier et de trombones, et faire du mauvais esprit. D’aucuns feignent de redouter « l’œil de Moscou » et procèdent à des autocritiques clownesques, dans le temps même où beaucoup de gens de l’extérieur sont persuadés avoir affaire à de dangereux doctrinaires…
Après le repas, pendant lequel une prénommée Jeanne et son aide servent quelque plat relevé de nouilles, l’usage veut que l’on descende au café qui est en face du Golf Drouot, pour y disputer des parties acharnées de baby-foot ou de 421. Les grands jours, quand quelqu’un régale après avoir empoché une belle somme (Jean Cézard et Eugène Gire sont les plus généreux…), les agapes peuvent s’éterniser et enchaîner avec un dîner fin au restaurant. Mais, pour être honnête, il ne faut pas forcir le trait : entre deux séances de défoulement, il subsiste quelques plages studieuses. À quels exercices s’adonne-t-on alors ?
Pour répondre à cette très intéressante question, le plus pratique est de prendre à rebours le parcours effectué jusqu’à présent. Voyons donc en priorité ce qui se trame chez le rédac’ chef. Ce sont des palabres sans fin : on définit la ligne du journal, dans le souci constant d’obtenir l’adhésion de tous, on réconforte les angoissés, les victimes, plus nombreuses qu’on ne croît, du syndrome de la page blanche, et, surtout, on reçoit les candidats à la publication. C’est naturellement au cours des entretiens avec de nouvelles têtes que l’on fait les plus chouettes découvertes et que l’on invite, en conséquence, à suivre le chemin qui mène à la caisse…
SUITE : Ah, l’attaque du chemin de fer !
© Hervé Cultru, Vaillant collection
Autres dossiers : 1/5, 3/5, 4/5, 5/5
Publiez un commentaire