Fabien Nury explore un destin ambigu
Il a trouvé l’inspiration en fouinant dans les livres d’histoire. Dans Il était une fois en France, une série dessinée par Sylvain Vallée, le scénariste Fabien Nury raconte la vie de Joseph Joanovici. Un personnage très équivoque, à la fois collabo et résistant, ordure finie et héros troublant.
Pourquoi vous être penché sur le destin de Joseph Joanovici ?
Le hasard m’y a poussé. En 2003, je me documentais sur le crime organisé et la French Connection pour préparer la suite du film Les Brigades du Tigre [qu’il a co-scénarisé avec Xavier Dorison]. Et, dans un livre d’histoire, j’ai trouvé un chapitre sur cet homme à la vie fascinante. Il n’était pas à proprement parler un gangster, mais a régné sur le milieu criminel parisien pendant la période sombre de l’Occupation. Ce type était au cœur du système, à la fois en tant que collabo, juif et résistant. Son destin incroyable résume toutes les contradictions de l’époque. Il y a en lui un peu du Parrain, de Tony Soprano et d’Oskar Schindler.
C’est un personnage pour le moins trouble, voire franchement condamnable…
Autant ce héros est ambigu, autant mes intentions ne le sont pas, et j’espère que cela transparaît dans la série. Joseph Joanovici a un côté très paradoxal. Certains de ses actes furent méprisables, d’autres nobles. Il fut prêt à tuer pour sauver sa famille, mais incapable de vivre avec elle. Cette crapule a assassiné des gens, mais en a aussi sauvé 150 des camps de la mort, dont Françoise Giroud. Monsieur Joseph a toujours voulu être à l’abri de la faim, de la police… Cet homme n’était pas né avec les bonnes cartes en main et, tout au long de sa vie, il s’est protégé d’un danger en en créant un autre. Pour ne pas subir le joug des nazis, il fait appel à eux. Finalement, son histoire est assez morale : il y a une ascension, et une chute.
Comment adapter un tel parcours en bandes dessinées ?
Joseph Joanovici n’est pas un héros de film d’action, il n’est pas sexy, ses agissements ne sont pas spectaculaires. De plus, raconter sa vie demande une certaine gravité. Le risque était de réaliser une BD historique froide. J’ai résolu ce problème grâce à des flash-back et au talent de Sylvain Vallée, ce grand directeur d’acteurs qui sait rendre ses personnages extraordinairement expressifs.
Combien d’épisodes comptera Il était une fois en France ?
Six. J’ai écrit et dialogué les trois premiers, et le plan est établi jusqu’au dernier. Ce projet est celui qui me tient le plus à cœur, qui m’émeut le plus. Il s’agit d’un sujet très difficile, que l’on doit traiter humblement. Sinon, j’ai aussi en cours un diptyque avec Thierry Robin sur la mort de Staline, pour Dargaud, et un album de XIII Mystery sur Steve Rowland, chez le même éditeur – je cherche un dessinateur pour le réaliser. Côté longs-métrages, l’adaptation de Je suis légion, dont j’ai écrit (et réécrit !) le script, est toujours en cours. Et je planche sur deux thrillers, un français et un anglo-saxon. Mais, au cinéma, on ne sait jamais si les choses se feront…
Propos recueillis par Laurence Le Saux
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Il était une fois en France #2
Par Sylvain Vallée et Fabien Nury. Glénat, 13 €.
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Images © Glénat
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