Fêtez la musique en BD !
Des chroniques électriques de Luz jusqu’aux strips rigolos d’un certain petit Wolfgang, en passant par la création du disque de Lady Sir et les souvenirs pop de Cathy Karsenty. Petite sélection de BD musicales, pour bien fêter le 21 juin.
Alive
Le titre sonne doublement. Alive parle évidemment de musique live, de concerts de tous styles, croqués sur le vif et dans les pogos par le Luz le mélomane. Il signifie aussi le retour pas à pas à la vie – et à la musique – du dessinateur traumatisé par l’assassinat de ses amis de Charlie Hebdo (voir son bouleversant Catharsis). Dans cet immense volume (à lire posé sur une table, c’est plus prudent), on parcourt ainsi 15 ans de concerts dessinés, de chanteurs griffonnés, de reportages dans des endroits plus ou moins connus, parfois franchement incongrus. Après une introduction délicieuse, en forme d’interview croisée entre Luz et Philippe Manoeuvre, autour de la question de la disparition du rock, on suit Luz dans ses pérégrinations musicales, face à des artistes aussi différents que LCD Soundsystem, Motörhead ou Jarvis Cocker. Des croquis et des bandes dessinées issues de son travail pour Charlie, Trax, Les Inrocks ou Rock’n’Folk, ou de fascicules autopubliés (Claudiquant sur le dancefloor, Trois premiers morceaux sans flash…). On ne lit pas Alive de bout en bout, on le picore ici ou là, on va, on vient, on y revient, on s’arrête sur ces beaux mouvements d’encre peignant Tricky, on se plonge dans les détails d’un reportage aux Eurockéennes… Car le style de Luz est chargé, d’émotions, de sensations, d’humour bien sûr, de dérision toujours, et d’un vrai talent pour décrire des sons et des ambiances, avec un vocabulaire riche et un dessin juste. Et ces quelque 380 pages sont rythmées par des séquences drôles et inédites où Luz tente d’expliquer le rock à sa fille tout juste née. Et c’est là, avec pudeur, qu’il montre que cette passion qu’il pensait l’avoir quitté après la tuerie de Charlie, revient peu à peu, au contact d’un petit bout de personne doté de deux oreilles prêtes à écouter le monde et ses musiciens. Un grand livre, dans tous les sens du terme.
Par Luz. Futuropolis, 36 €, avril 2017.
Pop memories
Cathy Karsenty est née en 1969. Son enfance et son adolescence ont été bercées par les vinyles de sa maman et les K7 à personnaliser. Et les artistes du moment, qui se nommaient Supertramp, Elton John, France Gall ou The Police. Puis sont venus la pop anglaise, Etienne Daho, les CD à graver, les nuits à écouter du jazz sur FIP… Dans Pop Memories, l’auteure déroule nombre de ses souvenirs liés à la musique, au fil de plus de 80 instantanés de concerts, de rencontres, de cours de musique, d’évolutions technologiques (du premier radiocassette à l’iPhone), brossés très simplement, avec texte manuscrit et petit dessin griffonné. Rien de révolutionnaire là-dedans, mais une sincérité et des clins d’oeil qui parleront forcément aux lecteurs de sa génération. Mais avec son dessin lâché et son ton amusant, elle devrait aussi réussir à inclure un plus large public, qui rembobinera aussi sa propre mémoire pour faire remonter ses premières obsessions musicales et comment elles ont marqué les différentes étapes de sa vie.
Par Cathy Karsenty. Delcourt/Tapas, avril 2017, 13,95 €.
Lady Sir
Ce « journal d’une aventure musicale » n’a pas volé son sous-titre. Fred Bernard y suit la création de l’album de Gaëtan Roussel et Rachida Brakni, pas à pas, de l’écriture aux photos de promo, en passant par le studio et la signature du contrat. Un peu comme Alfred avec Etienne Daho. Mais le créateur de Jeanne Picquigny y ajoute beaucoup de lui-même, car il a rapidement fait partie intégrante de cette « aventure », qui n’avait finalement rien de dangereux ni de vraiment exotique (sauf peut-être le voyage au Portugal). Il en ressort un portrait coloré des deux auteurs-interprètes, doublé d’un journal intime où Fred Bernard raconte aussi sa propre vie, pour se trouver des points communs avec les musiciens. Mais attention, la démarche n’est pas nombriliste, elle permet simplement de nourrir le commentaire du dessinateur assistant en direct à la création de chansons, et qui assume n’avoir qu’une distance relative par rapport à son sujet (il n’est pas journaliste), ainsi que de faire pénétrer le lecteur dans ce reportage. « Je tâche de m’éloigner de la technique et de me rapprocher de la vie », explique l’auteur dans le livre. L’ouvrage demande tout de même de s’impliquer un brin, surtout au début (plus technique), pour prendre le rythme de ses planches très bavardes. Mais une fois qu’on est dans le bain, notamment grâce aux trouvailles de mise en scène, aux différents styles graphiques utilisés, et aux mises en cases de certaines chansons, on se laisse gagner par l’atmosphère douce et apaisée de Lady Sir, et on file écouter le disque (qui ne figure pas dans l’album, prenez garde!). Une jolie réussite.
Par Fred Bernard. Glénat, avril 2017, 17,50 €.
Le Petit Mozart
Concluons avec une petite fantaisie sans conséquence, qui pourra faire rire du grand-père au petit dernier. Le Petit Mozart est un recueil de strips où l’on suit ce petit génie de Wolfgang Amadeus, obsédé par la composition tandis que les enfants de son âge cherchent sans doute davantage à se bagarrer ou à jouer à la poupée. Et il s’aime bien, ce garnement à perruque, puisqu’il cherche en permanence – quand il ne doit pas esquiver la soupe ou l’apprentissage de la trompette – à se faire applaudir ! L’auteur, William Angel, ne fait pas toujours dans la finesse, mais réussite toutefois à amuser, avec ses clins d’oeil à la musique classique ou au 9e art (les Peanuts, Little Nemo). Un album bon enfant, à écouter avec un concerto pour clarinette. De Mozart évidemment.
Par Willam Augel. La Boîte à bulles, avril 2017, 13 €.
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