Fight Club 2
S’il est une oeuvre qui mérite vraiment l’étiquette souvent galvaudée de « culte », c’est bien Fight Club. Plus que le roman, signé Chuck Palahniuk, son adaptation ciné avec Brad Pitt filmée par David Fincher en 1999 fait vraiment office de synthèse pop indépassable de la décennie 90. Était-ce vraiment une bonne idée de lui donner une suite en BD vingt ans plus tard ?
Lui-même aux manettes, Palahniuk imagine que son narrateur schizophrène, joué à l’époque par Edward Norton, et sa compagne Marla ont bien vieilli. Empêtrés dans une vie de famille en banlieue résidentielle qui les déprime, ils vont s’offrir la mid-life crisis la plus mouvementée qui soit en convoquant Tyler Durden, l’alter ego tordu jusqu’ici maintenu sous cloche à coups de médocs. Tout ça est au départ assez amusant. Avec Durden, c’est le retour des bastons clandestines et du grand complot anar pour faire vaciller le complexe militaro-industriel. Palahniuk se joue de nous avec son narrateur encore moins digne de confiance que dans le temps et son dessinateur, Cameron Stewart (Sin Titulo), truffe ses planches de clins d’oeil à l’esthétique nineties, avec par exemple une chouette séquence où les visages des personnages sont remplacés par des gélules comme semées sur la page. Jamais aussi bon que lorsqu’il moque le politiquement correct et le cynisme mercantile, Palahniuk laisse entrevoir par moments combien l’icône Durden pourrait être encore pertinente en 2016, à l’image de cette savoureuse consigne de vol laissée aux clients d’une compagnie aérienne : « Merci de limiter vos prières à un murmure pour ne pas offenser les autres passagers pendant l’atterrissage d’urgence. »
Le hic, c’est que toutes les idées sont déversées en vrac, hystériquement, sans fil conducteur. Les coups de théâtre se succèdent sans qu’on n’y comprenne rien. Aux États-Unis, Fight Club 2 est paru sous la forme d’une mini-série en 10 épisodes et, à l’évidence, Palanihuk n’avait en la commençant pas la moindre idée d’où toute cette histoire le mènerait. Abrité derrière le post-modernisme constitutif de la saga Fight Club, le romancier peut bien se mettre en scène brisant le quatrième mur et commentant sa prose, il donne surtout le sentiment de meubler péniblement. Le final vire à la justification ultra-flemmarde sur les difficultés à boucler cette histoire. Palahniuk dédie même sa private joke laborieuse aux élèves de son atelier d’écriture… On croit rêver. Mais le pire, c’est qu’à ce stade, il y a belle lurette qu’on n’en a plus rien à faire de Tyler Durden. Règle n°1 du fight club : il est interdit de parler de Fight Club 2.
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