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François Bourgeon ranime ses « Passagers du vent » !

9 septembre 2009 |

bourgeon_intro.jpgC’est l’un des événements de la rentrée : Les Passagers du vent, série mythique née en 1979 dans Circus – dont cinq épisodes furent publiés entre 1980 et 1984 -, renaît de ses cendres. François Bourgeon raconte la suite des aventures d’Isa dans La Petite Fille Bois-Caïman. Maltraitée par la vie, rejetée par sa noble famille et embarquée pour les Amériques, cette héroïne du XVIIIe siècle se fait toutefois voler la vedette par Zabo, jeune femme de 18 ans qui erre en Louisiane, au beau milieu de la guerre de Sécession. Il s’avère que cette dernière est l’arrière-petite-fille d’Isa, et qu’elle va récolter les mémoires de sa bisaïeule… Entretien avec François Bourgeon, maître verrier installé depuis 25 ans en Bretagne et grand amoureux de l’Histoire.

Pourquoi avoir décidé de poursuivre cette série ?
bourgeon_robe.jpgPour des raisons personnelles, liées à mon entourage, j’avais envie de creuser l’histoire de l’esclavage, qui est devenu au fil du temps l’un des principaux thèmes des Passagers du vent. Et puis j’avais envie de traiter de la guerre de Sécession. Je suis allé en Louisiane en 1992, et cette région fantomatique, pleine de grands cyprès chauves et de lichens qui pendouillent, m’a beaucoup plu. J’éprouve une fascination pour la mer, mais aussi pour les eaux mortes ou dormantes, les bayous. Ce sont des lieux de vie végétale, à la fois sauvages et mouvants : ils sont peuplés d’alligators et de serpents, et peuvent changer de place à chaque crue ou tornade.

Qui est Zabo ?
Elle a le même âge qu’Isa dans l’album précédent. Elle a reçu une éducation sudiste traditionnelle, a été élevée par une mère plutôt progressiste et un père médecin et planteur, sans états d’âme. Elle se donne un genre en jurant beaucoup. Et, même si l’esprit du Sud est bien ancré en elle, Zabo doute régulièrement, à cause de la double sensibilité que lui ont léguée ses parents.

Pourquoi installer cette histoire sur deux époques, et ne faire intervenir Isa qu’au bout de cinquante pages ?
Avec le cinquième tome de la série, je n’avais pu totalement terminer le cycle de Saint-Domingue à cause de contraintes éditoriales. J’aurais aimé ajouter une vingtaine de planches, mais je n’avais pas suffisamment de matière pour en tirer un épisode entier. J’ai donc choisi de dérouler le fil de La Petite Fille Bois-Caïman sur deux époques, grâce à l’artifice du flash-back. On est transporté à la fin du XVIIIe siècle à Saint-Domingue et dans les années 1860 en Louisiane, pendant la guerre de Sécession. Ce conflit est selon moi la première guerre dite moderne, un brouillon de 1914-1918, avec déjà des tranchées. Je ne la montre pas en détail : on ne voit que ce que Zabo en perçoit, à savoir des déserteurs et pillards, quelques canons.

bourgeon_froc.jpgVous faites vivre Isa jusqu’à 98 ans…
Ce n’est pas si exceptionnel que ça ! Il y a beaucoup de centenaires en Louisiane. Le climat est difficile, mais ceux qui y survivent peuvent le faire pendant longtemps. Son grand âge me permet aussi de raconter une histoire de transmission, de montrer deux tempéraments rebelles qui se rencontrent et se reconnaissent malgré les années qui les séparent.

Hoel, l’amoureux d’Isa, et son amie Mary sont absents de cette première partie. Les verra-t-on dans la suite de La Petite Fille Bois-Caïman ?
Ils n’ont plus de place dans la vie d’Isa. Mary est retournée en Angleterre. À la fin du cinquième album, Hoel s’embarquait sur le navire pirate de Jean Laffite, un flibustier et trafiquant d’esclaves qui a réellement existé et combattu avec les Louisianais contre les Anglais. Si Isa avait une chance de le revoir, c’était donc bien en Louisiane. Mais personne ne lira l’histoire de leurs retrouvailles. Je peux juste vous dire qu’ils se sont revus, mais n’avaient plus grand chose à se dire. Et puis à l’époque, on perdait très facilement contact avec les gens, les moyens de transports et de communication ne facilitant pas les choses comme aujourd’hui !

bourgeon_crayonne.jpgPour réaliser ce diptyque, vous avez beaucoup travaillé la langue utilisée, mélangeant le français, l’anglais, le cajun, l’haïtien, le tout sans sous-titres…
La Louisiane, pays francophone malgré un demi-siècle passé sous administration espagnole, se prêtait bien à ce modelage langagier. J’aime la musicalité savoureuse et rurale de la langue cajun. J’ai choisi d’indiquer la traduction des dialogues à la fin du livre pour ne pas casser la cadence de lecture. Et puis c’est amusant ! Avec un peu d’attention, on peut deviner la signification des dialogues en cajun. On apprend au passage que les « chevrettes » sont des langoustines – ce qui a donné le mot crevettes –, et que les « ouaouarons » sont des grenouilles. Les parties en créole haïtien sont moins simples à comprendre, il faut les lire à haute voix pour en saisir le sens. Pour pouvoir les rédiger, j’ai potassé des méthodes type Assimil et, comme je ne suis pas un linguiste hors pair, j’ai demandé à un ancien missionnaire qui a vécu 30 ans en Haïti de les relire. Je sais toutefois que j’ai pris le risque de perdre certains lecteurs, ceux qui ne regardent que les images.

À quel rythme avez-vous réalisé cette histoire ?
Je travaille dessus depuis 2003. Pendant un an, je me suis immergé dans une riche documentation, comptant plus de trois cents ouvrages dont, entre autres, les écrits de Tocqueville et de l’historien américain James McPherson. Tout en continuant à lire, j’ai rédigé une première ébauche de scénario, très riche, puis l’ai épuré. En 2004, j’ai attaqué le dessin en noir et blanc. Je ne voulais pas lâcher la narration et garder une unité d’ensemble, alors j’ai remis la colorisation à plus tard. Je m’y suis collé de septembre 2008 à juin 2009. Ce travail long et monotone m’a causé une tendinite à l’épaule !

bourgeon_isa.jpg

Pourquoi publier ce sixième épisode des Passagers du vent chez 12bis [la série a été historiquement publiée par Casterman, éditeur avec lequel François Bourgeon est en froid]?
Je suis fidèle en amitié, et l’ai été à Casterman tant que les gens que j’aimais y étaient. Quand j’ai été libéré de mes liens avec cet éditeur, j’ai choisi de collaborer avec mon ami Dominique Burdot, rencontré lorsqu’il travaillait pour Vents d’Ouest.

Quel est l’avenir de la série ?
La suite de La Petite Fille Bois-Caïman sortira en janvier. J’ai réalisé 142 pages qui forment un tout, et sont scindées en deux albums. En lisant la deuxième partie, on saura ce qui arrive à nos deux héroïnes, et cela mettra un point final aux Passagers. Car je ne vais pas faire vivre Isa pendant 150 ans ! Et je n’ai pas d’envies particulières concernant Zabo. Ensuite, je terminerai le cycle de Cyann, dont il me reste un album à faire. Il sera moins dense que les précédents, ce sera ma récré !

D’autres projets en cours ?
Peut-être m’attaquerais-je à de nouvelles séries historiques, si Dieu – auquel je ne crois pas – me prête longue vie ! Il y a encore beaucoup de sujets à traiter entre l’époque où l’on laisse Zabo et la nôtre. Cela fait tout autant de possibilités de bandes dessinées…

Propos recueillis par Laurence Le Saux


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Les Passagers du vent #6 : La Petite Fille Bois-Caïman livre 1
Par François Bourgeon.
Editions 12bis, 15 €, le 3 septembre 2009.

Images © 12bis.

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Commentaires

  1. Grégoire

    Allez voir le reportage BD : François Bourgeon donne une suite aux « Passagers du vent » sur culturebox :

    http://culturebox.france3.fr/all/14767/BD-%3A-Francois-Bourgeon-donne-une-suite-aux–Passagers-du-vent-

  2. Grégoire

    Allez voir le reportage BD : François Bourgeon donne une suite aux « Passagers du vent » sur culturebox :

    http://culturebox.france3.fr/all/14767/BD-%3A-Francois-Bourgeon-donne-une-suite-aux–Passagers-du-vent-

  3. Pasquale

    Merci pour cette serie M. Bourgeon
    Mais quelle tristesse de voir Isa nous quitter….et quelle belle lecon surtout

    Merci du fond du coeur, merci

  4. Pasquale

    Merci pour cette serie M. Bourgeon
    Mais quelle tristesse de voir Isa nous quitter….et quelle belle lecon surtout

    Merci du fond du coeur, merci

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