Gens de Clamecy
Après plusieurs ouvrages de reportages en Amérique latine avec Troub’s, Baudoin part cette fois-ci en compagnie de la réalisatrice Mireille Hannon à… Clamecy dans la Nièvre. Cette petite commune (4000 habitants) peu connue fut une des premières campagnes révolutionnaires en 1789, et refusa le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte de décembre 1851. Les habitants, pour la plupart ouvriers, se sont révoltés pour défendre la IIe République, un soulèvement qui ne dura que deux jours, le temps d’être réprimé dans le sang, une Commune de province.
Mais si Edmond Baudoin et Mireille Hannon s’y rendent presque 200 ans plus tard, ce n’est pas pour questionner cette mémoire, du moins pas directement. Dans ce microcosme rural, ils vont interroger les habitants et passants en leur posant une question : quelle serait pour eux la société idéale ? Quel monde pour demain ? Comment le rêve-t-il ? La sociologue retranscrit, le dessinateur dessine, et en échange de la question il tend un portrait, acte magique du dessin qui délie les langues.
Le début du livre est purement historique, et passionnant, sur les liens entre la capitale et les révolutionnaires – connectés par le réseau du flottage de bois ! Rapidement, et comme promis, nous passons au contemporain, et au futur. L’ouvrage est curieux. Difficile de trouver tout passionnant, les témoignages, en pleine page, allant d’une réflexion poussée sur la culture et le lien générationnel à des craintes sur la sécurité. Certains semblent vouloir former une pensée, qui va être gravée dans le marbre, d’autre s’en débarrassent, peut-être plus francs. La crainte du lecteur est de n’avoir qu’un type d’intervenants : nos « enquêteurs » vont dans les médiathèques, les librairies, le marché du coin. Des lieux sociologiquement marqués. Puis ils entrent dans les cafés. Du commerce ? Un peu, et c’est que qui est pertinent. Ils interrogent par hasard une sommité locale à la médiathèque ? Mais ils y croisent aussi une collégienne, puis un jeune adulte qui ne sait pas bien lire, mais dont la parole sera inscrite dans un livre.
Entre ces portraits de mondes rêvés – qui se recoupent bien souvent dans des généralités bienveillantes (pas de misère, du partage, tous respectés…) plus ou moins formées idéologiquement (mieux répartir les richesses, abolir les frontières…) –, l’histoire de la révolte de 1851 est contée. Si les interviewés ne sont pas interrogés à ce sujet le dialogue se crée plutôt habilement. Et là où le risque d’un recueil de témoignages plan-plan se lisant un peu vite inquiétait, on se retrouve face à un livre qui ne manque pas parfois de paroles creuses, mais qui rebondit sans cesse. Un ouvrage hybride donc, empreint d’humanité et parfaitement adapté au cap de la nouvelle année !
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