George Sprott 1894-1975 ****
Par Seth. Delcourt, 35 €, le 18 novembre 2009.
Voici un des plus beaux livres de l’année. Tant dans le fond que dans la forme. Dans un grand format (30×36), dos toilé et couverture qui brille, c’est aussi un nouveau chef d’oeuvre du Canadien Seth, auteur notamment de La Vie est belle malgré tout et Wimbledon Green. Il narre ici la vie d’un présentateur fictif d’une petite chaîne locale de télévision. Dans son émission hebdomadaire, George Sprott présente les films – désuets ou ringards, selon les goûts – qu’il a réalisés dans l’Arctique des années auparavant. Mais, à 81 ans, il va bientôt mourir. À la manière d’un docu-fiction, Seth retrace sa dernière journée et interroge les gens qui l’ont connu…
Au fil de courts chapitres, souvent d’une page seulement mais plein de petites cases, Seth cherche à savoir qui était ce George. Père indigne d’une petite fille inuit ? Oncle attentif ? Anthropologue et aventurier fumiste ? Authentique amoureux du Grand Nord ? Sans doute un peu tout cela à la fois. Cette enquête passionnante autour d’un homme qu’on aimerait croire réel se compose en effet comme un puzzle, auquel il manquera toujours une case. Mais cette case sera apportée par le lecteur lui-même, qui projettera son humanité dans celle du livre. C’est le grand tour de force de Seth: suggérer, ne pas trop en dire, laisser le lecteur s’emparer de son personnage et le réinventer. Esthétiquement, l’auteur est d’une rigueur extraordinaire, du même calibre qu’un Chris Ware. Sa ligne claire limpide est magnifiée par une mise en couleur douce et raffinée (succession de sobres aplats vert, bleu, brun). Des grandes illustrations quasi abstraites et des maquettes d’immeubles viennent ponctuer les interviews et les souvenirs. Par son édition luxueuse, cet album devient aussi un livre objet, un joyau bibliophilique. Mais cette avant tout une immense bande dessinée, qui ouvre encore de nouvelles pistes dans la narration graphique.
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