Gérard, cinq années dans les pattes de Depardieu
“Cinq années dans les pattes de Depardieu”. Ce fut le sort de Mathieu Sapin, décidément rôdé aux coulisses — il a conté celles du film Gainsbourg, vie héroïque de Joann Sfar, celles du journal Libération, ou encore celles de l’Elysée. Au départ de Gérard, un appariement improbable : l’auteur de BD rencontre le monstre du cinéma français en 2012, et l’accompagne en Azerbaïdjan pour un documentaire d’Arte, sur les traces d’Alexandre Dumas. Le dessinateur, qui se représente toujours discret, timide et naïf, parfait Candide, séduit pourtant suffisamment l’acteur pour que celui-ci l’accepte dans son quotidien (en le surnommant “Tintin”).
Et c’est parti pour une visite du logement de l’acteur — une double page incroyable, représentant un salon bourré d’oeuvres d’art, où l’on trouve pêle-mêle une installation de Brancusi, une sculpture de Camille Claudel, mais aussi un drapeau cubain offert par Fidel Castro, ou la partition en fer forgé de Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous, de Barbara. Puis des orgies de nourritures variées, de qualité ; des verres d’alcool en pagaille. Des interactions avec M. et Mme Tout-le-monde, des célébrités (Fanny Ardant, qui le filme, son ami Poutine), ou son entourage professionnel. Des discussions d’affaires — Depardieu pratiquant mille activités commerciales, en France et à l’étranger.
Surtout, ce sont les saillies brutales, amusantes, gênantes ou poétiques du comédien qui marquent. Car, on le sait bien, Gérard est “too much”. Physiquement, le colosse au nez imposant s’impose. Mais son verbe (ou ses grognements, puisqu’il aime grogner) est encore plus frappant. Le fin observateur est tour à tour grossier et touchant, brutal et caressant, sincère et manipulateur, amusant et conduisant ses interlocuteurs au bord du malaise. D’un trait clair et simple, Mathieu Sapin agence des scènes captivantes, ahurissantes, ou tout simplement banales. Traçant à petites touches le portrait d’un homme complexe, décidément saisissant, et pas toujours aimable.
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