Giacomo Nanni pose ses valises à Paris
Comme Alessandro Tota ou Manuele Fior, Giacomo Nanni est un des représentants de la nouvelle génération italienne et s’est installé à Paris. Portrait d’un auteur discret, dont Cornélius vient de ressortir le premier album: Le Garçon qui cherchait la peur, un roman graphique mental et obsédant, inspiré d’un conte de Grimm.
Né en 1971 à Rimini, une petite ville sur la côte Adriatique, Giacomo Nanni s’est vite passionné pour la bande dessinée, dévorant les comics aussi bien que les histoires de Moebius, Tardi ou des auteurs de Métal hurlant. « Quand j’étais adolescent, je lisais en même temps les super-héros et le magazine Alter alter », confie-t-il. À l’école primaire, Giacomo dessine ses propres super-héros et rêve déjà d’en faire son métier. Son goût du dessin, il le tient aussi de sa famille. « Mon père peignait des paysages et des portraits. C’est lui qui m’a transmis ce plaisir; quand j’étais petit, il m’aidait à dessiner. »
À l’âge de 15 ans, il suit des cours dans un atelier de BD. L’un des profs n’est autre qu’Igort, un maître de la nouvelle BD italienne, qui l’encourage à continuer. Quinze ans plus tard, Igort, directeur artistique chez Coconino press, publiera les cinq romans graphiques de Giacomo.
Giacomo Nanni passe son bac à l’école du livre d’Urbino, section dessin animé. Après un (très) court passage à l’université de mathématique de Bologne, Giacomo Nanni décide de suivre sa passion et de se lancer dans le neuvième art. Il fonde alors le groupe Canicola avec six autres auteurs, groupe qui publie la revue du même nom. A partir de 2005, ils proposent une forme nouvelle dans leur revue, loin du traditionnel fumetto italien et à l’avant-garde de ce qui se fait alors en Europe. Bastion du renouveau de la BD italienne, Canicola connaîtra la consécration avec le Prix de la BD alternative à Angoulême en 2007.
Très attiré par le 9e art italien des années 60-70, Jean-Louis Gauthey, fondateur de la maison d’édition Cornélius (qui publie aujourd’hui Le Garçon qui cherchait la peur), avoue son soulagement quand il a découvert Canicola. « Il y a eu un trou générationnel dans les années 90 en Italie, alors qu’en France, on voyait l’émergence des indépendants avec l’Association et Cornélius. » En effet, la génération italienne des années 80, frappée de plein fouet par l’arrivée des mangas et la faillite des revues de BD d’auteurs, est partie vivre en France…
Avec les auteurs de Canicola, Giacomo Nanni invente une nouvelle façon de faire de la bande dessinée. Leur collectif, qui se réunit régulièrement autour d’un café à Bologne, est fait de beaucoup de discussions, parfois vives, mais aussi de bons moments, les artistes étant tous devenus des amis proches. Après quelques années de collaboration libre et passionnée, les auteurs choisissent d’évoluer chacun de leur côté, Edo Chieregato et Liliana Cupido gardant les rênes de la revue Canicola qui est devenue une maison d’édition.
En 2006, Nanni commence à publier un dessin par jour sur son blog, racontant des instantanés de sa vie avec son chat, Esterina. Pendant une année, il racontera ces dix ans passés en compagnie du félin, des histoires qui deviendront Cronachette I, II et III. Et qui seront publiées en 2008 en France, par Cornélius, sous le titre de Chroniquettes. En parallèle, il collabore au site Ilpost.it en commentant en BD des faits d’actualité, parfois glauques ou bizarres. Très inspiré par les faits divers, il dessine ainsi l’histoire vraie de deux procès intentés à des prévenus déjà morts au tribunal de Rimini…
Cet hiver 2012, Giacomo Nanni voit enfin son tout premier livre, Le Garçon qui cherchait la peur, publié en France, mais dans une version légèrement différente par rapport l’initiale. « Le dernier chapitre dans l’édition française est en fait le deuxième dans l’édition italienne. Mais il faut préciser que l’histoire est circulaire. Elle est très simple : c’est celle d’un amour empêché par les circonstances. Mais je me suis donné du mal pour la rendre difficile à comprendre, pour les héros comme pour les lecteurs. Je déroule l’histoire du point du vue du garçon, du héros, qui est déficient mental. Il ne comprend pas tout. Tout est fait pour pour que le lecteur ne saisisse pas tout du premier coup non plus, reprenne la BD au début et la déroule une deuxième fois. » Une expérience de lecture troublante, mais pas si étonnante pour un auteur qui cite Clowes, Gipi, Crumb et Debeurme parmi ses principales références.
À l’instar de nombre de ses compatriotes, dont Alessandro Tota, un autre membre fondateur de Canicola, Giacomo Nanni s’est installé à Paris en octobre. Mais sans son chat. « Il est mort. En fait, il était déjà mort quand j’ai commencé à le dessiner. Mais je prendrai peut-être un nouvel animal ! J’ai choisi de venir en France pour le travail, mais aussi pour changer d’air. Cela me plaît beaucoup. »
Eloïse Fagard
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Le Garçon qui cherchait la peur.
Par Giacomo Nanni.
Cornélius, février 2012.
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Images © Nanni / Cornélius
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