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Gil Jourdan comme vous ne l’avez jamais lu !

28 avril 2014 |

L’annonce en octobre dernier de la relance des éditions Niffle et du lancement de la collection 50/60 avait fait rêver les amateurs. Pensez donc, redécouvrir les plus grands maîtres franco-belges dans un format proche des originaux et à un prix raisonnable ? En plus les livres seraient commentés part le spécialiste Hugues Dayez et forcément élégants, tout le travail d’éditeur de Niffle l’ayant été par le passé.

voiture_couvDe ce point de vue, pas de déception avec cette première livraison, La Voiture immergée de Maurice Tillieux. Grand mais facile à prendre en main, le livre dévoile page après page des reproductions soignées et une restauration pointilleuse (deux mois de travail ont été nécessaires juste pour cet aspect) permettant de plonger dans le trait de Tillieux. S’il reste un des plus grands scénariste de l’école de Marcinelle, on néglige souvent son travail, pourtant important, de dessinateur. Obligé de l’abandonner petit à petit au fil de sa carrière, afin de pouvoir fournir toujours plus de scénarios (Tif et Tondu pour Will, Jess Long pour Piroton, Marc Lebut pour Francis, etc.), c’est un plaisir de redécouvrir encore et encore cet aspect de son travail.

À ce titre, le choix de La Voiture Immergé est sans doute bon. Troisième titre de la série Gil Jourdan, l’univers y est pleinement maîtrisé et s’ancre dans le polar, même si l’humour est toujours bien présent grâce à Libellule et Crouton, duo de faire-valoir magnifiques. La dextérité de Tillieux y est visible à chaque page, notamment sa capacité à produire des ambiances magnétiques. Ainsi, quand nos trois héros sont en train d’être pris par la marée, ou qu’une bruine incessante bouche le décors, le lecteur ne peut que ressentir l’eau lui glacer les os.

La Bretagne de Tillieux, largement imaginaire, est bien crédible mais répond aussi à ce désir d’ambiance, marqueur d’une façon de travailler. Un jour, il entend parler d’une presqu’île dont l’accès n’est découvert qu’à marée basse, et où d’imprudents voyageurs se sont laissés happer par la mer, et voilà une intrigue lancée! L’enquête est efficace, pleine de rebondissements et de fausses pistes, et réussira à surprendre l’amateur connaissant pourtant par cœur l’histoire, tant le format permet une véritable redécouverte.

voiture_page1Car, en effet, loin de découper arbitrairement les planches pour les présenter en plus grand format, comme le font tant d’éditeurs sans scrupule, ce format rapproche réellement du récit original. En effet, comme la tradition de l’époque le voulait, les récits de Gil Jourdan sont construits pour la prépublication, avec un suspense en bas de chaque page paire, la publication dans Spirou se faisant par bloc de deux pages en vis-à-vis. Cette construction réfléchie était jusqu’ici détruite dans les versions albums, les pages paires se trouvant sur une page de gauche et rendant le suspense caduc.

On est un peu plus sceptique face aux commentaires d’Hugues Dayez. Si l’homme est un connaisseur incontournable et apporte parfois d’intéressantes informations, le choix de toujours vouloir placer un commentaire sous une planche impose de trouver systématiquement quelque chose à dire… Tantôt on reste donc dans l’anecdotique, quand d’autres fois on aurait aimé en savoir plus. Par contre, on appréciera que, contrairement à l’édition commentée du Schtroumpfissime, une solution ait été trouvée afin de pas rompre le rythme de lecture avec ces textes. Dans la maquette de la collection 50/60, ou le blanc et l’espace sont bien pensés, on peut lire la bande dessinée sans que l’œil ne soit parasité par les commentaires. Un autre gage du respect du lecteur, qui a le choix entre lire les commentaires ou s’en passer.

Alors que certains éditeurs marquent sans cesse leur désintérêt du patrimoine en publiant des intégrales et des pseudo collector bâclés dans le seul but de faire des nouveautés à peu de frais, l’alliance Dupuis-Niffle prouve que grosse structure et travail d’artisan amoureux peuvent faire bon ménage. Tout semble question de volonté, et l’on sait que celui qui a passé plus de 700 heures à détramer point par point des centaines de pages de Félix n’en manque pas…

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La Voiture Immergée.
Par Maurice Tillieux
édition commentée par Hugues Dayez
Niffle, mars 2014, 24 €

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Commentaires

  1. Vous avez raison, chez monsieur Rannou, il était temps de rendre un juste hommage à l’immense Maurice Tillieux. Même si la dernière Intégrale Gil Jourdan était déjà très bien. Mais moi, je connais déjà tout cela par coeur, et je prefèrerai que Dupuis évite de nous refourguer trois fois la même histoire sous des formes différentes: grand ou petit format, couleur ou noir et blanc, sans blabla ou avec commentaires érudits parfois utiles (parfois, mais pas toujours; vous-même l’avez remarqué), à l’unité ou par groupe de trois, thématique ou chronologique.
    Monsieur Niffle a déjà passé beaucoup de temps à scanner les vieux Félix d’Heroic Albums. Mais il a publié à peine la moitié de son intégrale qui commençait par la fin. Donc je préfèrerai qu’il continue dans cette voie, car les albums précédemment parus n’étaient pas impeccables, comme diraient Chaland et Dionnet à la télévision. Couleurs affreuses chez Dupuis, notamment, impression style anciens pays d’Europe de l’est. Les Heroic-albums sont des revues fragiles, presque sans couverture. Ils ont donc mal traversé les décennies, contrairement à moi qui ai su conserver tout mon charme. De plus, il me semble que Monsieur Niffle avait oublié d’insérer les programmes non-stop dans ses intégrales inachevées…Donc il pourrait tout recommencer depuis le début, c’est peut-être grâce à son travail sur Félix qu’il a été embauché chez Dupuis.

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