Gisèle Alain #1-3
Les longues chevelures blondes, les robes à froufrous, les trams rutilants, les rues pavées et les colonnes de marbre, autant de cartes postales d’un romantisme à l’occidentale tant apprécié par le lectorat nippon. « Si la légende est belle, filmez la légende », disait alors le cinéaste John Ford. La fin du XIXe siècle jusqu’au début du XXe vus par l’Asie ressemble à un magnifique film hollywoodien en Technicolor, aux tenues impeccables et au romantisme de bon aloi. Bien sûr, il ne faut pas caricaturer à l’inverse en répondant que cette période grouillait aussi de maladies, de crasse, de différences sociales insurmontables. Il existe un juste milieu que dépeint avec minutie l’auteur Kaoru Mori, avec sa délicieuse série Emma (actuellement réédité par Ki-oon). Pour sa collègue Sui Kasai, « l’uchronie » est plus floue, plus romantique dans sa forme et dépeignant une ère victorienne de conte pour enfants. Mais parfois plus cruelle et réaliste dans les mésaventures que va vivre sa jeune héroïne, aristocrate déchue et avide de se salir les mains dans le monde des roturiers !
Gisèle Alain loue ainsi les chambres de son immeuble à un écrivain débutant et à un couple de lesbiennes danseuses de cabaret. Mais n’étant pas du genre rentière, elle fonde sa petite agence de services et va accepter toutes sortes de travaux hétéroclites. Du ménage dans des bicoques en ruine, en passant par des déménagements clandestins et la récupération d’animaux perdus, Gisèle apprendra de précieuses leçons de vie où les succès, les échecs, voire les tragédies, vont forger la petite aristocrate qu’elle ne supporte plus d’être !
Pré-publié au Japon dans le magazine Fellows, le travail de Sui Kasai est un troublant clone de Kaoru Mori, auteure qui publie dans même le magazine… Difficile de dire qui a influencé l’autre en premier, mais il est clair que le dessin de la première n’a pas (encore?) la souplesse de celui de la seconde; quelques raccourcis anatomiques sont même maladroits. Mais l’on culpabilise presque de pinailler devant un si joli style, aussi détaillé que charmant, voire sensuel dans les regards hypnotiques de malicieuses héroïnes. Sans compter que Sui Kasai est une très bonne scénariste sachant jouer avec les sentiments du lecteur en lui présentant des personnages solides et profonds, et des situations ne tombant jamais dans l’eau de rose ou le pathos tragique. Juste cocktail d’aventures pétillantes et de cartes postales victoriennes, Gisèle Alain est une gourmandise issue d’une boîte à bonbons « Quality Street » dont on à hâte de tester les prochaines sucreries à venir !
Kara
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