Glenn Gould, une vie à contretemps
Certaines mélodies vous accompagnent toute une vie, celles que jouaient Glenn Gould bercent la dessinatrice Sandrine Revel depuis des années. Dans un bel album réalisé en solo, elle tire le fil de l’histoire de l’interprète génial des Variations Goldberg. En septembre 1981, Glenn Gould est frappé par un AVC. Partant de ce moment, le lecteur se promène dans les souvenirs du pianiste et de ceux qui l’ont connu. Sa personnalité s’éclaire peu à peu : tyrannique avec son agent, contraint par des rituels envahissants — la chaise très basse, le précieux Steinway, les chantonnements qui agaçaient tant certains auditeurs —, hypocondriaque… Il choisit d’arrêter les concerts très tôt, malgré le succès, pour se consacrer aux enregistrements en studio et à la création de documentaires radiophoniques.
Sandrine Revel (N’embrassez pas qui vous voudrez, avec Marzena Sowa, La Lesbienne invisible ou la série Un drôle d’ange gardien) évite avec bonheur le piège de la biographie exhaustive. Un rigoureux travail de recherche iconographique (et sans doute des heures de lecture, de visionnage et d’écoute…) lui permet d’être très proche de la réalité de la vie de l’artiste. Elle sait aussi intégrer à l’album son Glenn Gould intime. Le trait délicat, rond, et les couleurs légères évoquent l’homme en douceur, avec une touche d’onirisme. De belles trouvailles graphiques proposent des « visions » de l’esprit de Glenn Gould. Elles sont au service de la mission que s’est donné Sandrine Revel : comprendre ce que ce génie avait d’irréductible, la singularité de son rapport à la musique.
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