Goggles
Récit d’une fillette que les aléas de la vie ont rendue muette, Goggles (2003) est l’histoire courte qui a révélé Tetsuya Toyoda. Dans le recueil éponyme, l’auteur d’Undercurrent nous présente cette œuvre de jeunesse, en compagnie de cinq autres nouvelles qui lui sont plus ou moins liées – par un personnage, par une thématique.
Tetsuya Toyoda est de ces auteurs qui s’arrêtent sur la sobriété du quotidien, qui cherchent le particulier dans l’ordinaire. Tout en retenue, son regard met l’accent sur l’être humain, sur sa mélancolie et sa place parmi les autres. Les planches sont paisibles, minutieuses, aérées, et les silences écrivent la vie intérieure des personnages: l’important, ici, n’est pas d’en connaître les détails, mais ce que la portion de vie esquissée par le mangaka nous laisse deviner. Ce chômeur revanchard, cet acteur de vaudeville disparu, cette enquêtrice à la recherche d’un tonkatsu (lamelles de porc pané) sans pareil.
Quelque chose manque, pourtant. Rares sont les auteurs capables de sublimer l’anecdotique, de choisir les bons instants et la bonne manière de les raconter. Dans Goggles, Tetsuya Toyoda n’apporte pas toujours ce supplément d’âme: il offre plus d’anecdotique que de sublime. Difficile d’y voir “une œuvre bouleversante, proche de la perfection” comme l’annonce Jirô Taniguchi sur le bandeau promotionnel, mais plutôt les essais d’un artiste prometteur qui dessinerait tout ce qu’il imagine pour ses personnages, quitte à garder le superflu. Entre génie et monotonie, toujours sincère – peut-être un peu trop.
Et surnage l’îlot Aller voir la mer. Exceptionnelle de simplicité, cette courte nouvelle confine à l’idéal, à cet état de grâce où le détail compte, où les planches respirent en rythme et les non-dits frappent en plein cœur. Rien n’est vain dans cette mélodie, celle qu’on aurait rêvée pour l’ensemble du livre.
GOGGLES © Tetsuya Toyoda / Kodansha Ltd.
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