Gotlib est mort
Marcel Gotlieb, dit Gotlib, est décédé dimanche 4 décembre 2016 à l’âge de 82 ans, rapporte son éditeur Dargaud. Ce monument de la bande dessinée était le créateur, entre autres, de Gai-Luron, des Dingodossiers, de Superdupont ou de la Rubrique-à-Brac. « Je ne dédie ce livre à personne car je suis seul comme un chien », écrivait-il en ouverture de Ma vie-en-vrac, (éd. Flammarion), autobiographie écrite avec Gilles Verlant. Une parfaite illustration de l’humour pince-sans-rire, souvent provocateur, de ce maître du neuvième art, en retrait de la profession depuis quelques années.
Né en 1934 de parents hongrois installés à Paris, il grandit chaotiquement pendant la Seconde guerre mondiale, enfant caché dans un orphelinat (lire J’existe, je me suis rencontré, éd. Dargaud). Son père, peintre en bâtiment, ne revient pas des camps. Sa mère, couturière, glisse doucement vers la folie. Le jeune homme est timide — « Le mec qui contribuera à la libération sexuelle d’une génération entière de lecteurs, grâce à L’Echo des savanes et Fluide Glacial, rosissait quand je lui racontais des blagues de cul ou mes exploits avec les filles ! », affirme son ami Jacques Diament (in Ma vie-en-vrac). Il suit des cours du soir à l’école supérieure d’arts appliqués Duperré, fait son service militaire (dont dix mois en Allemagne), interprète Brassens à la guitare, découvre le magazine américain Mad. En 1957, il réalise sa première bande dessinée, Gilou à la plume de paon.
Cinq ans plus tard, il travaille pour le magazine Vaillant (futur Pif-Gadget), invente Nanar et Jujube, puis le cabot Gai-Luron – qui a été repris cette année, avec sa bénédiction, par Fabcaro et Pixel Vengeur. En 1965, c’est à Pilote, sous la houlette de René Goscinny, qu’il laisse exploser son talent (voir la vidéo ci-dessous, où il s’amuse avec Giraud, Alexis et Mandryka). Avec le créateur d’Astérix, il fomente les insensés Dingodossiers. Trois ans après, Gotlib, seul, fait de la Rubrique-à-brac son terrain de jeux.
En 1972, il s’émancipe : avec Claire Bretécher et Nikita Mandryka, il crée L’Écho des savanes, et trousse des gags plus gras, avec un dessin plus osé. En 1975, nouvelle rupture : avec son compère Jacques Diament, il lance Fluide Glacial — où Rhâââ Lovely, Pervers Pépère ou Superdupont s’épanouiront.
Dépressif chronique, Gotlib a publié son dernier album solo en 1986, mais continuait ponctuellement d’apparaître dans Fluide Glacial, notamment dans des romans photos. Dernièrement, il avait aussi relancé Superdupont avec un album intitulé Renaissance, co-écrit avec Karim Belkrouf et François Boucq et dessiné par ce dernier.
Influence majeure de nombreux auteurs actuels, il reçut le Grand Prix de la Ville d’Angoulême en 1991. En 2013, le Festival Quai des Bulles à Saint-Malo lui avait consacré une très belle exposition. Et un an plus tard, c’était au tour du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, à Paris, de le célébrer.
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