Elles sont là depuis le début, depuis les premières pages de cette épopée des Contes du Marylène : la grande et fine Gousse, courageuse et entreprenante, et sa soeur, la rondelette Gigot, craintive à s’en rendre malade. Mais jusqu’ici, elle faisait partie du décor, en tant que personnages secondaires, victimes du système. Ce volume va revenir sur leur trajectoire, à l’ombre d’Aglaé ou de Boris, depuis leur naissance d’une mère violée par l’ancien tyran et leur enfance dans nid de serpents, jusqu’à une émancipation difficile, faite d’angoisses et de sacrifices.

Album après album, Anne Simon construit une saga-puzzle fascinante, pleine de douleurs et de tristesse. D’humour et de fantaisie aussi, mais c’est bien la noirceur qui domine. En effet, Gousse et Gigot portent sur leurs épaules toutes les errances tyranniques du Pays Marylène, et incarnent les humiliations et violences faites à ses femmes. Mais, et c’est là la bonne idée de l’autrice, elles montrent aussi qu’un amour entre deux soeurs peut être plus fort que tout, et qui peut s’imposer comme un moteur de (sur)vie. Dans un style hachuré plus léger que d’habitude, car en partie en couleurs et dans des mises en page plus simples de 4 cases, Gousse et Gigot complète parfaitement cette série chorale originale, remplissant les vides laissés par les tomes précédents et ouvrant d’intéressantes perspectives pour la suite. Une oeuvre parmi les plus singulières et attachantes de la BD indé.