Grafity’s Wall
Grandir dans les chawls, quartiers pauvres de Mumbai, n’est pas tous les jours facile. Euphémisme. Entre corruption policière généralisée et omniprésence mafieuse, Ram V et Anand RK, ne font preuve d’aucun angélisme dans Grafity’s Wall, évocation douce-amère des tribulations d’un groupe de gamins qui ne rêvent tous que d’une chose, se sortir de là au plus vite. Mais la violence et l’injustice ambiantes cohabitent aussi dans ce roman d’apprentissage polyphonique, avec une légèreté beaucoup plus universelle : malgré la morosité, les galères et les drames, Suresh le graffeur désinvolte, Jay le petit dealer au grand cœur et Chasma le poète introverti, sont de jeunes gars comme on pourrait en croiser dans toutes les grandes villes du monde. Des potes qui se vannent, s’épaulent et se chamaillent portés par un romantisme tout à fait de leur âge qui, après trois chapitres intimistes consacrés tour à tour à chacun d’entre eux, culminera dans un quatrième mouvement plus ample.
La volonté des auteurs de mettre beaucoup d’eux-mêmes dans cet ouvrage est manifeste. Le duo derrière la claque Laïla Starr connait bien Mumbai et cela se ressent à chaque page, jusque dans le choix d’un style graphique brut au plus près des façades et un découpage qui retranscrit l’énergie de la ville, ses couleurs, ses sons, ses figures. Et puis le rôle qu’occupe la création artistique dans la vie de leurs personnages a forcément des accents autobiographiques : street art pour Suresh, écriture pour Chasma, qui distribue à qui veut bien les lire des lettres rédigées dans un style soigné, et cinéma pour la blonde Saïra, le quatrième mousquetaire qui rejoint la bande en cours de route. À travers eux, c’est leur propre moi ado que Ram V et Anand RK remercient d’avoir bien voulu croire dans les vertus émancipatrices de l’art. Merci en effet. Mille fois même.
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