Grand Prix d’Angoulême 2021 : trois finalistes et une grogne
Le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême ne s’est pas tenu en 2021, mais a tenu à proclamer un Grand Prix, pour succéder à Emmanuel Guibert. Selon un vote en deux tours proposé aux auteurs, comme d’habitude : Chris Ware, Catherine Meurisse et Pénélope Bagieu sont sortis en tête du premier tour. Mais un collectif d’auteurs s’est insurgé car le Festival a évincé le nom de celui qui aurait rassemblé de nombreuses voies : Bruno Racine.
Bruno Racine, ancien président du Centre Pompidou et de la BnF, est l’auteur d’un rapport sur « L’auteur et l’acte de création » qui préconisait une série de mesures pour reconnaître un statut aux auteurs (de bandes dessinées notamment) et leur offrir une meilleure reconnaissance de leur travail. Rapport qui n’a connu aucune suite de la part du gouvernement depuis sa publication l’an dernier. Le collectif des Autrices et Auteurs en Action (AAA), qui avait appelé au boycott du versant public du Festival d’Angoulême 2021 si celui-ci devait se tenir, avait ensuite préconisé aux votants pour le Grand Prix de donner son nom, « afin de mettre en lumière les difficultés des auteurs et autrices ». Ce que de nombreux auteurs auraient fait. Or le Festival a annoncé que c’était Chris Ware, Catherine Meurisse et Pénélope Bagieu qui avaient réuni le plus de votes. Tout en notant que « certain·e·s ont fait le choix d’un vote protestataire (qui ne pouvait être comptabilisé, dès lors qu’il ne se portait pas sur une autrice ou un auteur de bande dessinée) dans le but d’attirer de nouveau l’attention des pouvoirs publics sur les conditions dans lesquelles les autrices et auteurs exercent leur profession ».
Pour le collectif AAA, le règlement du FIBD préciserait simplement qu’il convient de voter pour un auteur (ce qu’est Bruno Racine) et pas forcément un auteur de BD (ce qu’il n’est pas). Ce que réfute le Festival, comme l’a précisé Frank Boudoux à Livres Hebdo et qui note que Bruno Racine ne figure de toute façon pas dans le trio de tête, constat d’huissier à l’appui : « Il y a au départ une idée assez maline d’AAA qui consiste à faire un pas de côté et à appeler à voter pour Bruno Racine. Si Bruno Racine avait obtenu une majorité de voix, nous aurions été tenus d’invalider le vote, mais ce n’est pas ce qui s’est produit. »
Le deuxième tour est ouvert du 8 au 14 juin et il ne semble donc pas que Bruno Racine y soit convié. Les auteurs sont donc invités à voter pour Pénélope Bagieu, Catherine Meurisse ou Chris Ware. Ce dernier, auteur américain de 53 ans, et récompensé au Festival d’Angoulême pour Jimmy Corrigan et Building Stories, est finaliste du Grand Prix depuis 2017, devancé année après année par Cosey, Richard Corben, Rumiko Takahashi et Emmanuel Guibert. 2021 sera-t-elle enfin son année ? Ou bien Catherine Meurisse (Les Grands espaces, La Légèreté, Moderne Olympia, Le Ponts des arts…), déjà finaliste l’an dernier et honorée d’une exposition, lui passera-t-elle devant ? À moins que Pénélope Bagieu (Sacrées Sorcières, Les Culottées, California Dreamin’…) provoque la surprise. Réponse le 23 juin prochain.
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Pourquoi s’acharnent-ils à ramener Chris Ware qui a fait un ou deux trucs sympas dans les années 90, mais depuis… Est-ce le syndrome Corben qui revient ?
Si on veut absolument le donner à un américain, ce qui est déjà discutable, il y a des modernes. Robert Kirkman, etc. -
On sent surtout la volonté de mettre coûte que coûte en avant des autrices/auteures comme une façon de se rattraper aux branches après les accusations de machisme avéré du festival. Quant au cas Kirkman, euh… juste, comment fait-on une expo sur un scénariste ? Et puis, sa place dans l’évolution de la BD n’est pas aussi déterminante que celle de Chris Ware, et au-delà de ça, il n’y a pas vraiment de comparaison possible.
En tous cas, personne pour commenter le coeur de cette actualité, à savoir, le statut des auteurs de BD (parce que franchement, le grand prix on s’en fout un peu, ça n’est que de l’honorifique qui donne lieu a de belles expos). À croire que ça n’émeut personne de savoir que les auteurs ne sont concrètement pas payés pour leur travail (une avance sur droit n’étant en aucun cas un salaire, puisqu’il s’agit d’une avance sur les ventes, le temps de travail effectif à la confection des planches n’étant plus rémunéré. Sans parler des dédicaces que les lecteurs pensent légitimement mériter gracieusement parce qu’ils ont achetés l’album (album sur lequel l’auteur ne touche généralement rien avant le 3001ème exemplaire vendu). La vraie question : combien de gens accepterait de travailler une, voir deux années pour une somme variant de 5000 à 10000 euros ? Oui, combien ? pas vous hein… je m’en doutais. Merci de m’avoir lu jusqu’au bout.
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C’est vrai qu’on sent la volonté de placer des autrices (Ericsen, puisque vous hésitez, c’est le mot en français, d’origine latine, pour auteur, sur le modèle acteur/actrice).
Pas à cause d’une différence de qualité, mais au contraire, parce qu’en face de deux autrices françaises d’un énorme niveau, on a…de la bd étasunienne dans le style assez habituel, au trait déshumanisé, « industriel ». Critère subjectif, donc avis subjectif, mais c’est bien le seul critère qui compte quand on a pas d’intérêt financier dans l’affaire. Donc espérons, oui, que pour une des rares fois, une femme remporte le prix.
En tout cas, Ericsen, consolez-vous en imaginant que si on voulait réellement rétablir l’équilibre de la balance, il faudrait ne nommer que des femmes pendant plusieurs années. Parce que depuis 2000, sans remonter encore en arrière, il n’y en a eu que deux. Vous voyez bien que, tout compte fait, ce n’est pas si grave. Vous pouvez supporter que de temps en temps, une autrice soit distinguée.
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Loutra, il s’agirait de lire en étant un minimum concentré(.e?). Tout d’abord, j’ai des copines qui sont dans la création visuelle, certaine préfère auteure, d’autre autrice, il n’y avait pas d’hésitation dans mes mots juste un choix laissé aux lecteurs. Ensuite, je n’ai pas parlé de différence de qualité, je ne suis personne pour juger de la qualité supérieure d’une œuvre par rapport à une autre. Ce qui me gène, c’est cette histoire d’équilibre justement. Comment voulez-vous qu’il y ait un équilibre homme/femme dans la bande dessinée en matière de récompense dès l’instant où ces récompenses sont mixtes ? C’est proprement impossible sauf si on créé deux distinctions du genre « meilleure autrice » et « meilleur auteur ». Quant à votre pique sur le fait que je puisse supporter au moins une fois qu’une autrice soit récompensée, je ne vois pas où dans mon commentaire j’aurais pu insinuer un telle chose (qui ne me ressemble en rien). De plus, de Chris Ware je n’ai rien aimé, contrairement à Pénélope Bagieu et Catherine Meurisse, par contre le type a fait évoluer le média vers quelque chose de neuf en son temps (Billy Corrigan) et a participé au renouveau de l’indé US. Peut-on en dire autant de nos deux autrices ? Je ne pense pas, pas pour le moment tout du moins, mais leurs carrières respectives sont encore jeunes. Et j’ajouterais que je n’ai rien contre le fait qu’elles soient en lice pour le grand prix (au contraire), je faisais juste une remarque sarcastique sur le revirement plus que voyant du FIBD, rien de plus.
Donc, pour finir je vous invite à vous détendre et à arrêter de voir du male gazing partout et surtout là où il n’y en a pas. -
Les commentaires peuvent etre un bon complément d’article, mais ils sont de plus en plus rares… Certains sont tellement primaires, d’un pseudo-féminisme totalement raté, de mauvais foi, sans argument, que l’on imagine, camouflé derrière le pseudo, un vieux ronchon barbu, cherchant à décrédibiliser à faible cout, tout un mouvement…
Bon, pour le grand prix: qu’il soit homme ou femme (ou autre, peu importe), je ne trouve pas l’artiste génial. Meme si c’est la tendance. Je suis donc mitigé sur ce prix, j’aurais largement préféré Pénélope Bagieu, qui a toujours été un plaisir à la lecture! Dommage, peut-etre pour l’année prochaine alors!
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