Grandville ***
Par Bryan Talbot. Milady Graphics, 15,90 €, février 2010.
Il était une fois un monde dominé par l’Empire français, un monde où Napoléon aurait vaincu les Anglais et imposé sa puissance sur l’Europe et ses colonies… Après 200 ans de règne, Paris est toujours la ville lumière, capitale planétaire, qui regarde de manière condescendante une Angleterre de bouseux qui a péniblement gagné son indépendance – et qui est soupçonnée d’héberger des terroristes responsables d’un attentat contre une célèbre Tour parisienne. C’est dans ce contexte de haine exacerbée qu’enqûete l’inspecteur britannique Le Brock, sur les traces d’une société secrète aux sombres desseins…
Le choc de Grandville est d’abord esthétique. Sous une couverture cartonnée et brillante, évoquant celles des éditions Hetzel qui publiaient les oeuvres de Jules Verne, on découvre un décor steampunk de toute beauté : voitures à vapeur, dirigeables à hélices, pont ferroviaire au-dessus de la Manche, costumes Belle Époque… Mais aussi une bande dessinée animalière anthropomorphique, puisque les héros sont des blaireaux, rats, singes ou crocodiles – les humains n’étant qu’une espèce vile et presque disparue. Directement influencé par les dessinateurs français Grandville, Gustave Doré ou Robida, le trait de Bryan Talbot paraît au premier abord enfantin et simpliste, alors qu’il est en réalité riche de détails et de références picturales – que l’auteur explique dans une longue et jolie postface (image ci-dessous).
Et le deuxième choc vient justement du contraste entre ces images colorées et attachantes et la violence des situations décrites. Les gentils n’hésitent pas à dessouder les méchants, ni à user de la torture – voire de la vengeance gratuite – si la situation le justifie… Le tout dans une ambiance post-11 septembre et de théorie du complot. Grandville se transforme alors en curieux et palpitant mélange entre Tintin et 24, et l’inspecteur Le Brock semble être un hybride de Jack Bauer et de Sherlock Holmes. À l’originalité, au suspense et à la beauté des images s’ajoute au fil des pages un humour bien senti, qui culmine lors de la rencontre avec un chien nommé Snowy Milou, laborantin de second ordre, accro à l’opium et divaguant à propos d’un crabe aux pinces d’or… Fort de toutes ces qualités, Grandville est une excellente surprise, dont on espère qu’elle connaîtra une suite rapide tant le plaisir de lecture est grand.
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