Guillaume Trouillard joue aux Indiens
Imaginez qu’un homme ait trouvé un ingénieux procédé pour mettre les Indiens en conserve. Un couple de retraités en acquiert une boîte, voit une famille de peaux-rouges s’installer chez eux, et leur appartement se transformer rapidement en véritable far-west… Cette idée délirante débouche sur La Saison des flèches, un album extravagant et brillant. Initié par Samuel Stento, l’ouvrage est mis en images par Guillaume Trouillard. Le jeune auteur et éditeur – il a fondé les Éditions de la Cerise il y a six ans, alors qu’il en avait 23 seulement – raconte cette cavalcade graphique.
D’où est venue l’idée de mettre des Indiens en conserve?
Samuel Stento, mon ancien camarade de promotion des Beaux-Arts d’Angoulême, l’a en tête depuis l’école. Ce projet délirant, sans queue ni tête, lui est venu d’un jeu sur les mots [Indien en réserve/conserve]. Il faut préciser que Samuel aime particulièrement les blagues, l’absurde poussé à l’extrême.
Êtes-vous fasciné par les Indiens?
Je les préfère nettement aux cowboys, ces blancs-becs qui les ont décimés… On peut parler de fascination, oui. Pas parce que les mecs à plumes m’intéressent, mais parce que leur pensée, leur appréhension du monde est radicalement opposée à la nôtre. Je me suis nourri de nombreuses lectures anthropologiques, ethnologiques et politiques sur le sujet.
Vos cowboys sont des hommes en complet noir…
Oui, un peu comme ceux de Kafka, parce que nous ne voulions pas refaire l’histoire des États-unis. Certains y voient des traders, des agents du FBI ou des hommes politiques.
Pourquoi faire alterner des cases de bande dessinée et le journal de bord de l’un de vos héros?
Simplement parce que j’ai toujours aimé toucher à tout, sans forcément réduire la BD à un enchaînement de cases. Ce mode de fonctionnement peut dérouter certains lecteurs, et en même temps il me semble que c’est en prenant un vrai plaisir à travailler qu’on a le plus de chance de le rendre communicatif, non ? Après tout, la grammaire de l’image est gigantesque, pourquoi n’en utiliser qu’une petite partie?
Comment avez-vous travaillé sur La Saison des flèches?
Après en avoir dessiné vingt-cinq pages, j’ai fait une pause pour réaliser mon propre album, Colibri. Samuel et moi avons ensuite repris le travail en mettant tout à plat. Car mes premières planches partaient dans tous les sens, c’était trop décousu. J’ai choisi de me laisser la possibilité d’improviser, de trouver des idées au fil du crayon. J’ai dû quelque fois jeter des séquences entières pour servir au mieux le récit. Mais sans refaire une seule case: il n’y a finalement pas de repentir dans l’album. J’ai passé en tout presque deux années à le mettre en images, mais elles furent très agréables.
Samuel Stento n’a-t-il rien dessiné?
Non, il préfère désormais se consacrer à la sculpture et à la scénographie. Mais il a participé à la mise en scène de l’histoire.
Quels sont vos projets?
J’en ai soupé des belles aquarelles, j’aimerais changer de technique pour le prochain. Ce sera en noir et blanc, et j’utiliserai des techniques de grattage ou collage plus expérimentales. Il s’agira d’un gros pavé muet se déroulant dans un univers post-apocalyptique: on y découvrira un monde transformé en champ de poubelles, un monde entièrement manufacturé où une poignée d’hommes tentent de survivre.
Propos recueillis par Laurence Le Saux
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La Saison des flèches.
Par Guillaume Trouillard et Samuel Stento.
Editions de la Cerise, 20€, novembre 2009.
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Images © Trouillard / Éditions de la Cerises
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