Guy Delcourt, 25 ans d’édition de bandes dessinées
Un quart de siècle. Cela fait en effet 25 ans que les éditions Delcourt animent le paysage BD français. D’abord minuscule et orienté SF et fantasy, le catalogue s’est diversifié et a grossi au fil des années, tout comme le chiffre d’affaires et l’importance de la maison par rapport à ses concurrents. Au retour de la visite d’une exposition réussie au Centre belge de la bande dessinée à Bruxelles, qui recherche « l’empreinte » laissée par l’éditeur, nous avons mené une conversation dans le Thalys avec Guy Delcourt, 53 ans. Un éditeur de bandes dessinées qui se dit heureux de son sort, mais avoue une certaine inquiétude pour les années à venir.
Dans quel contexte avez-vous fondé votre maison d’édition?
Je cherchais du boulot après avoir été débarqué de Pilote, où je travaillais en tant que journaliste et où je commençais à m’occuper un peu d’édition. Je souhaitais poursuivre cette expérience et c’est ainsi que je me suis lancé. Je ne me sentais pas investi d’une mission de défense d’une certaine bande dessinée, je n’avais pas de plan entrepreneurial à dix ans : je voulais juste travailler avec des auteurs et publier des albums. C’était une époque charnière, où les grandes maisons comme Dargaud et Dupuis connaissaient une période de crise, principalement liée à l’âge grandissant de leurs dirigeants. Et cette crise des leaders s’étendait au marché en général, la production diminuait, les libraires se plaignaient… Pourtant, des auteurs étaient prêts à se lancer, c’était finalement peut-être une bonne période pour démarrer.
Après un premier album, Galères balnéaires, vous connaissez rapidement un gros succès avec votre deuxième titre, les chansons de Renaud transposées en BD…
100 000 exemplaires vendus, c’était inespéré ! Hélas, notre diffuseur a mis la clef sous la porte quelques mois plus tard, réduisant quasiment à néant cette belle réussite.
Dans quelle direction souhaitiez-vous alors développer votre catalogue ?
D’emblée, j’ai voulu publier de la bande dessinée de tous genres et de toutes provenances. N’étant pas véritablement un expert en la matière, mais plutôt un curieux, je me suis dit que, quitte à me lancer dans la BD, autant couvrir tout le champ. C’est pour cela que j’ai traduit assez tôt Frank Miller ou quelques mangas – pour ces derniers, je ne m’y suis d’ailleurs pas très bien pris au départ.
Pourtant, on vous a rapidement collé une étiquette d' »éditeur de SF et de fantastique »…
Oui, sans doute parce que les séries qui ont lancé la maison (Aquablue, Légendes des contrées oubliées…) font partie de cette galaxie. Je ne le regrette pas, car la SF est un genre qui occupe une place de choix pour les auteurs de ma génération, comme Vatine, Cailleteau, Ayroles… C’était le terrain nourricier de notre imaginaire. Mais j’ai voulu sortir de cette case où l’on nous avait rangés. En ce sens, ma rencontre avec Etienne Davodeau et la publication de Rural et des Mauvaises Gens nous a fait beaucoup de bien.
Les années 90 voient le marché de la BD bouillonner de nouveaux projets et de nouveaux éditeurs. Comment vous inscrivez-vous dans ce paysage ?
C’est vrai que le marché est rapidement devenu concurrentiel. Avec Soleil, Zenda, Vents d’Ouest, nous étions au coude à coude. Cela provoquait un peu d’agacement, pas mal d’envie, mais finalement cette « compétition » a ouvert des portes – vers des marchés, des auteurs – qui ont bénéficié au final à tout le monde.
La création de Delsol, votre plateforme de diffusion commune avec Soleil, est-elle une étape décisive ?
Oui, car au tournant des années 2000, je me suis rendu compte que j’avais vraiment pris goût à l’organisation d’une structure que je n’avais créée au départ que par nécessité. Pour continuer ma démarche éditoriale, tout en respectant le travail des auteurs, il fallait que la maison continue à se développer. Et la maîtrise de la diffusion était décisive de ce point de vue. Delsol est issue d’une logique d’entreprise qui complète ma logique d’édition. Et je suis très heureux que les cataclysmes qu’on nous annonçait ne se soient pas produits !
Vous avez désormais atteint une part de marché d’environ 10%, mais le secteur semble se tasser depuis deux ou trois ans. Comment continuer à se développer?
De 1998 à 2007 environ, le secteur nous a portés, nous avons grandi avec lui. Aujourd’hui, il n’y a plus de vent. Nous couvrons déjà tous les secteurs de l’édition BD (mangas, comics, jeunesse, franco-belge, humour…), notre croissance ne viendra donc plus de nouveaux terrains à défricher, mais bien des ventes de notre catalogue. Il va sans doute falloir faire preuve d’encore plus d’acuité dans notre politique éditoriale, être plus offensif, mener la maison d’une main sans doute plus ferme.
Cela passe-t-il par une réduction du nombre de titres publiés ?
Non, je ne crois pas à ce facteur. Je pense plutôt qu’il va falloir accompagner les projets d’encore plus près, accentuer la concertation et le suivi du travail des auteurs, car notre responsabilité envers eux est plus grande qu’avant. Cette démarche a commencé, et je suis satisfait de voir que les discussions avec les auteurs avancent bien.
Et comment avancent celles sur le numérique ?
Il est normal que les auteurs manifestent leur inquiétude, mais il ne doivent pas craindre d’intentions néfastes des éditeurs. Nous ne sommes pas contre eux ! Personne ne veut nuire à la pérennité du lien entre nous ! Notre ambition est de respecter au maximum la chaîne du livre, et de renforcer notre capacité à agir au mieux en respectant des intérêts communs. C’est pour cela que les éditeurs se regroupent, afin de faire face à Apple et Amazon. Nous sommes aujourd’hui face à des problématiques déterminantes pour l’avenir, je ne peux pas rester sans rien faire. Néanmoins, je reste prudent : il faut qu’on ait un pied dedans, mais pas question d’y mettre de gros moyens tant qu’on ne sait pas de quoi demain sera fait.
Propos recueillis par Benjamin Roure
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Exposition L’Empreinte Delcourt, 25 ans dans la vie d’un éditeur de BD.
Centre belge de la bande dessinée.
20 rue des Sables, Bruxelles.
Jusqu’au 29 mai 2011.
Photos © BoDoï
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« Cela passe-t-il par une réduction du nombre de titres publiés ?
Non, je ne crois pas à ce facteur. Je pense plutôt qu’il va falloir accompagner les projets d’encore plus près, accentuer la concertation et le suivi du travail des auteurs, car notre responsabilité envers eux est plus grande qu’avant. Cette démarche a commencé, et je suis satisfait de voir que les discussions avec les auteurs avancent bien. »
Excellente idée: Guy Delcourt et ses équipes produisent un trés grand nombre d’albums (plus de 400 si ma mémémoire est bonne). Or beaucoup se ressemblent (ou à ceux de Soleil), et il y en a peu qui seront d’incontournables classiques, ou primés à Blois, Angou et autres. Beaucoup des albums delcourt, sans etre mauvais je vous l’accorde, sont plutôt moyens. Et les lbraires ne peuvent présenter tout ce catalogue, car il y a aussi les productions des éditeurs classiques. Donc en effet, à la place de delcourt, je ferai moins d’albums, mais de meilleure qualité!! -
« Cela passe-t-il par une réduction du nombre de titres publiés ?
Non, je ne crois pas à ce facteur. Je pense plutôt qu’il va falloir accompagner les projets d’encore plus près, accentuer la concertation et le suivi du travail des auteurs, car notre responsabilité envers eux est plus grande qu’avant. Cette démarche a commencé, et je suis satisfait de voir que les discussions avec les auteurs avancent bien. »
Excellente idée: Guy Delcourt et ses équipes produisent un trés grand nombre d’albums (plus de 400 si ma mémémoire est bonne). Or beaucoup se ressemblent (ou à ceux de Soleil), et il y en a peu qui seront d’incontournables classiques, ou primés à Blois, Angou et autres. Beaucoup des albums delcourt, sans etre mauvais je vous l’accorde, sont plutôt moyens. Et les lbraires ne peuvent présenter tout ce catalogue, car il y a aussi les productions des éditeurs classiques. Donc en effet, à la place de delcourt, je ferai moins d’albums, mais de meilleure qualité!! -
« à la place de delcourt, je ferai moins d’albums, mais de meilleure qualité!! »
Ce serait une démarche suicidaire, car ce sont rarement les albums de qualité qui font les succès publiques, mais bien le tout-venant peut regardant et peu ambitieux (genre Blagues de Toto).
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« à la place de delcourt, je ferai moins d’albums, mais de meilleure qualité!! »
Ce serait une démarche suicidaire, car ce sont rarement les albums de qualité qui font les succès publiques, mais bien le tout-venant peut regardant et peu ambitieux (genre Blagues de Toto).
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