Harbinger
En devenant l’éditeur des parutions Valiant comics, Bliss a aussi hérité du back catalogue de l’éditeur et en profite pour ressortir les cycles fondateurs de sa mythologie superhéroïque dans des éditions prestige. L’occasion donc d’explorer en archéologue les fondations de cet univers partagé qui a toujours fait avec ses moyens, modestes, pour tenter de rivaliser avec ceux de Marvel ou DC.
Harbinger est une tentative assez transparente de se mesurer aux X-Men. Le jeune Peter se découvre des pouvoirs psychico-télékinésiques (on dira plus tard « psiotiques » dans le jargon maison). Repéré par la fondation du super-psiotique Toyo Harada, Peter réalise bientôt que ce dernier n’hésite pas à se comporter en criminel pour servir ses propres intérêts et s’enfuit. Le jeune homme peut activer les pouvoirs d’autres ados et, avec eux, entreprend de se mesurer à Harada et ses super-sbires.
Peter alias « Sting », Kris, sa compagne sans pouvoirs, « Flamingo » la bimbo qui vous allume littéralement, Faith alias « Zéphyr », la nerd capable de voler et « Torque », le colosse capable de soulever des voitures, forment une étonnante bande de marginaux réunis par leurs propres insécurités. Écrite par Jim Shooter et dessinée par David Lapham, Harbinger fit sensation à sa sortie en 1992, par l’authenticité de ses situations et son atmosphère douce amère évocatrice des récits initiatiques de John Hugues, The Breakfast Club en tête.
Trente ans après, on perçoit toujours ce qui a pu séduire à l’époque mais si effectivement, ici, des héros meurent vraiment et parfois sans grand « bang », et que certaines directions empruntées avaient de quoi déstabiliser (la personnalité hypertoxique d’un des « gentils » de la bande, Torque, ou le traitement très daté de la pauvre Flamingo), Harbinger ne fut jamais la révolution des comics qu’elle aurait aimé être et participa à condamner l’univers partagé Valiant à évoluer à jamais en troisième division. À la même époque, DC développait au sein de son label Vertigo des récits autrement plus ambitieux, à tous les niveaux, esthétiques comme narratifs. Et même si l’on s’en tient à Marvel, la comparaison avec les X-Men n’a jamais vraiment tenu deux minutes face à la richesse des thématiques posées chez ces derniers, y compris dans la période précédente par Chris Claremont.
On saluera néanmoins la spontanéité et l’envie de bien faire qui émanaient du projet et surtout la chance qu’il offrit au jeune Lapham de se faire la main sur un titre au long cours, qui allait lui permettre de développer plus tard ses propres créations, à commencer par Stray Bullets.
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