On ne comprend ce qu’on possède qu’au moment où on le perd. C’est hélas ce qui va arriver au taciturne professeur Victor, un misanthrope à la retraite qui va faire la rencontre de Hel. La mystérieuse jeune fille n’est autre qu’une passeuse d’âme des défunts dans l’Au-delà. Ou plutôt les tréfonds des abîmes du monde des morts, une contrée désolée et hors du temps, aux règles de « survie » strictes.

Deux visions de l’existence vont alors s’affronter. Celle de Victor, qui a vécu bien longtemps, mais sans vraiment en profiter car n’ayant connu qu’un seul et unique amour non consommé. Hel, de son côté, est une jeune fille qui n’aura pas eu le temps de vivre car elle a trépassé le jour même de son émancipation, fuyant le destin tragique d’un mariage forcé. Ces deux âmes en peine vont devoir user de courage et de finesse pour surmonter les dangers qui les guettent, mais aussi pour se comprendre. Ainsi, paradoxalement, Victor gagnera en humanité dans sa mort, et luttera contre les désillusions amères de Hel. Qui sauvera qui au bout du compte ?

On dit souvent qu’une première œuvre est un concentré de toutes les aspirations de son auteur. Avec plus de 80 planches, pour son premier album en tant qu’auteur complet, Philippe Scherding tente un sacré pari et, au final, on est amusé et attendri par la maturation d’un auteur à la découverte de ses possibilités. Tout comme ses personnages, il suit une quête qui transcendera sa mise en scène très scolaire au début de l’ouvrage vers de plus en plus d’audace, pour aboutir à une fin en apothéose émotionnelle bienvenue ! Si le voyage peine au début à se mettre en place, rapidement la forme du récit rejoint son fond tendre et sincère. Avec son graphisme brut et dynamique, mais également fin et aussi délicat que son héroïne à la fausse apparence fragile, Hel est un charmant récit épique et très émotionnel, qui signe la naissance d’un auteur non pas en devenir, mais ayant déjà déployés ses ailes. Jusqu’où celles-ci vont-elles le mener ?

Kara