Hergé survolé au Grand Palais
Et si, pour évoquer le créateur de Tintin, on commençait par sa fin ? Pour raconter l’homme (1907-1983) plutôt que l’oeuvre, l’exposition du Grand Palais à Paris débute par la une de Libération annonçant sa mort… Elle se poursuit par les toiles qu’il peignait dans la dernière période de son existence, et celles qu’il collectionnait (Dubuffet, Alechinsky, Fontana…). Une façon de justifier sa présence dans un lieu aussi monumental ? « La bande dessinée est mon unique moyen d’expression, confiait-il pourtant à Numa Sadoul en 1971, assumant de se résumer au neuvième art. Qu’y a-t-il d’autre à ma disposition ? La peinture ? Il faut y consacrer sa vie. Et comme je n’ai qu’une vie — et déjà largement entamée — je dois choisir : la peinture, ou Tintin, pas les deux ! Je ne peux pas être peintre du dimanche ou du samedi après-midi, c’est impossible !… » Pour enfoncer le clou de l’art contemporain — et, paradoxalement, montrer son aisance dans la mise en scène en bandes dessinées —, le nom d’Hergé est écrit avec le storyboard de Tintin et l’Alph’art, réalisé au stylo bille et au feutre.
On passe ensuite dans une salle dédiée au « romancier de l’image », mettant en avant certaines aventures du reporter à houppette, mais de façon rapide. Le visiteur continue de cheminer de manière antéchronologique à travers ses créations : les publications de Tintin dans Le Petit Vingtième, les aventures de Jo, Zette et Jocko dans la revue Coeurs Vaillants… Bien sûr, les planches originales émerveillent, les maquettes de la fusée lunaire ou du télescope de L’Étoile mystérieuse amusent.
Mais tout cela est n’est guère approfondi. Certes, un grand cartel pédagogique indique « comment naît une bande dessinée », reprenant des extraits des entretiens d’Hergé avec Numa Sadoul au sujet de la documentation, du découpage, du crayonné ou de la couleur. Mais on cherche, sans succès, des correspondances fouillées entre l’oeuvre du créateur et sa vie, le récit de son enfance, des mystères qui ont entouré sa famille, de l’influence de l’abbé Wallez sur son parcours, du fonctionnement des studios Hergé, de l’impact de sa dépression sur son travail… L’intimité de l’homme, ses zones d’ombre, sont seulement effleurées.
Les dernières salles ne répondent guère à notre curiosité : on passe des illustrations publicitaires d’Hergé à son rapport à l’Orient, avant de terminer par la création de Tintin (le noir et blanc de Tintin au pays des Soviets est largement loué, alors que Casterman s’apprête à le publier en couleurs) et les premiers dessins et histoires de Georges Remi. Pas désagréable, puisqu’on y circule dans une oeuvre universelle et passionnante, l’exposition manque toutefois de lisibilité (un comble lorsqu’on aborde la ligne claire !) et de densité.
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Exposition Hergé
Jusqu’au 15 janvier 2017 au Grand Palais, 3 avenue du Général Eisenhower, 75008 Paris. Tél. : 01 44 13 17 17.
Tous les jours sauf le mardi, de 10h à 20h. Tarif : 9 à 13€.
Photos © BoDoï / Grand Palais, non reproductibles.
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Si l’exposition est décevante, France Télévision a réalisé un reportage de 30 min qui fait exactement ça : le lien entre la vie d’Hergé et son œuvre. Je le trouve très bien fait :
http://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/france-2/13h15/13h15-du-samedi-24-septembre-2016_1829317.html
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