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Hervé Bourhis transforme les animaux en chasseurs d'hommes

27 janvier 2010 |

bourhis_helas_introÀ Paris, à la fin du XIXe siècle, les animaux ont pris le pouvoir sur les hommes. Ce sont eux qui habitent les immeubles haussmanniens et portent le haut-de-forme, tandis que les humains sont traqués, souvent tués et parfois étudiés comme des curiosités. Scénariste de Hélas, dessiné par Rudy Spiessert, Hervé Bourhis (Comix Remix, Ingmar) raconte la genèse de cet épatant album.

bourhis_helas_cageMais qu’ont donc fait les hommes pour être ainsi traités par les animaux ?
En fait, cette idée d’inverser les rôles est venue de ma passion pour les photos de Paris au XIXe siècle. J’ai été très marqué par l’exposition de la collection Roger Thérond en 1999, à la Maison européenne de la photographie, et notamment par le mystère, le grain particulier des tirages albuminés et des daguerréotypes. Je me suis alors mis à collectionner ces clichés, à compulser des documents sur cette époque, et rechercher en me baladant dans les rues des vestiges de cet époque.

Qu’a-t-elle de si fascinant ?
Elle baignait à la fois dans l’amour de la science et le mysticisme. D’un côté on y développait beaucoup d’expériences très sérieuses, d’un autre on s’intéressait au spiritisme ou à la phrénologie [étude des protubérances crâniennes].

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Y a-t-il un déclic qui vous a poussé à écrire cette histoire ?
Le projet est assez vieux, il date de 2003. J’habitais alors à La Défense, au milieu de tours, et je travaillais dans le secteur du web. Je voyais clairement l’humain en mutation vers le béton et la technologie, de plus en plus déconnecté de son animalité, et j’en souffrais. J’ai voulu rappeler qu’à l’origine, on était des bêtes. Avant d’en arriver à ce que vous avez pu lire, j’ai écrit sept version du scénario, qui a été refusé par plusieurs éditeurs. Et puis José-Louis Bocquet, de Dupuis, l’a ressorti des tiroirs. Je l’ai retravaillé en enlevant le « gras », en recentrant l’intrigue sur le complot.

Avez-vous relu Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec de Tardi, dont l’atmosphère est ressemble à celle de Hélas ?
Non. Je les avais parcourues étant enfant, mais cela me faisait peur. Je ne nie toutefois pas certaines correspondances, des images ont pu me rester en tête. De façon consciente, j’ai plutôt été inspiré par L’Enfant sauvage de François Truffaut, La Ferme des animaux de George Orwell ou La Planète des singes de Pierre Boulle.

Pourquoi avoir fait de vos héros un couple de cochons ?
Je trouvais le faciès porcin expressif. Et puis les cochons sont roses, comme nous. Ce choix s’est imposé comme une évidence.

Le Paris que vous représentez est envahi par l’eau, comme pendant la grande crue de 1910…
Oui, cela permettait d’imaginer des scènes frappantes visuellement. Et d’amener des rebondissements intéressants dans le scénario, qui du coup baigne dans une ambiance onirique inquiétante.

Cette aventure rocambolesque comporte de nombreux rebondissements. Pourquoi en faire un one-shot, et pas une série en plusieurs épisodes ?
J’ai évidemment pensé au feuilleton, et ai été influencé par Les Brigades du Tigre ou Fantômas.Mais comme Hélas a mis sept ans pour se concrétiser, je n’ai pas envie m’éterniser dessus. J’ai d’autres choses à faire !

bourhis_helas_poisson Comment avez-vous choisi le dessinateur de l’album ?
Au départ, Christophe Gaultier était pressenti. Mais il a jeté l’éponge car il ne souhaitait finalement pas donner dans l’animalier. Un peu plus tard, il allait pourtant dessiner Donjon… Ensuite, Rudy Spiessert, avec lequel je faisais Ingmar, s’est imposé. Il a mis deux ans à le réaliser, car il a souhaité changer son style, le rendre plus sobre, adulte et sombre à la fois.

Quels sont vos projets ?
Avec Rudy, nous continuons la série Ingmar. Nous réalisons aussi une série humoristique pour Delcourt, dans la collection Shampooing – trois albums sortirons de façon rapprochée, pendant l’automne et l’hiver prochains. bourhis_helas_pluie Et puis depuis fin août, je prépare un ouvrage de 200 pages sur les Beatles (dont je suis fan) pour Dargaud, sur le modèle du Petit Livre rock. C’est un boulot monstrueux, je dois dessiner leur parcours de leur naissance à aujourd’hui d’après photos…

Propos recueillis par Laurence Le Saux


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Hélas.
Par Rudy Spiessert et Hervé Bourhis.
Dupuis, 15,50€, le 22 janvier 2010.

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