Hikaru Nakamura, discrète auteure des « Vacances de Jésus et Bouddha »
« Jésus, c’est moi » : difficile d’entendre une jolie japonaise réservée paraphraser Gustave Flaubert. Et pourtant, Hikaru Nakamura, que nous avons pu rencontrer au Salon du Livre, l’affirme : c’est dans son propre quotidien qu’elle puise l’inspiration nécessaire à son personnage-titre du manga Les Vacances de Jésus et Bouddha (Kurokawa). On assiste ainsi aux aventures peu catholiques du fils de Dieu, en colocation à Tokyo, dont les principales préoccupations consistent à jouer aux jeux vidéo (en réseau avec Pierre et André), préparer son one-man show et mettre à jour son blog.
Une mention spéciale pour les t-shirts à message du Christ : « T’es Lourdes », « Doux moi-même », « Le Bon Berger ». Côté look, son compagnon Bouddha n’est pas en reste. « Petit scarabée doré », « Tout attachement est souffrance » proclament ses vêtements. Dans le manga, Bouddha est le pendant sage de Jésus, celui qui le remet dans le droit chemin et qui contrôle le budget. Pour Hikaru Nakamura, ce personnage évoque davantage sa grande soeur ou son mari.
Johnny Depp et les curés
Les Vacances de Jésus et Bouddha a été créé en 2006. À l’origine, l’aversion d’Hikaru Nakamura à dessiner des personnages féminins. Son éditeur lui laisse la possibilité de réaliser une histoire sans héroïne. « À force de crayonner, Jésus est apparu », sous des traits qui semblent inspirés de John Frusciante, le guitariste des Red Hot Chili Peppers, ou de Johnny Depp.
Pour réaliser cette série pleine de références religieuses qui ne sont que des prétextes à l’humour, Hikaru Nakamura ne se documente pas. « Je me suis toujours beaucoup intéressée au christianisme et au bouddhisme, mais les gags sont piochés dans mes connaissances déjà acquises », indique-t-elle. Loin de tout effort pédagogique, son travail a pourtant trouvé écho chez certains prêtres et responsables de catéchisme, qui utilisent le manga pour initier leurs ouailles…
Succès et timidité
Hikaru Nakamura avoue que cela lui fait plaisir, mais à demi-mot. On la sent sur ses gardes: « J’ai toujours peur de la réaction des gens, qu’ils me disent qu’une information est erronée ou qu’un gag les blesse. » Avant de venir en France, elle craignait de « froisser le public », avant de réaliser que la satire religieuse était une tradition locale. Mais la mangaka semble timide, elle chuchote ses réponses – qu’elle débite sous contrôle de son éditeur, bien entendu. Et pas question d’immortaliser le moment : toute photo ou vidéo nous est interdite.
Le succès de son oeuvre n’est plus à démontrer. Les Vacances de Jésus et Bouddha s’est classé dixième du top des mangas les plus vendus au Japon en 2009 avec 2,6 millions d’exemplaires écoulés. Une adaptation en long-métrage animé est en cours. Le tome 2 a même été sélectionné au festival d’Angoulême en 2012.
Hikaru Nakamura a commencé sa carrière à 16 ans, alors qu’elle était toujours au lycée. Aujourd’hui âgée de 28 ans, elle a « très peu conscience » de son statut de star. « Je passe mon temps à dessiner chez moi avec mes assistantes, explique-t-elle. Je reçois très peu de lettres de fans. En fait, personne ne me parle de mangas. »
Il faudra donc trouver un peu d’elle-même dans le personnage de Jésus, mais aussi dans les annexes de son autre série en cours, Arakawa Under the Bridge (inédit en France), où elle raconte son quotidien ou comment elle trouve ses idées. Pour l’heure, il nous faut abréger : Hikaru Nakamura veut visiter Notre-Dame de Paris avant que la cathédrale ne ferme ses portes. Pour se rapprocher un peu plus de Jésus, sans doute.
Amandine Schmitt
Images © Hikaru Nakamura/Kodansha Co. Ltd – Photo © Ph. Matsas / Kurokawa
[teaser de l’animé : http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=SsWh8i9EY_U]
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