Histoires croûtes
Saurez-vous partir en quête « du oiseau perdu » ? Apprécier un « Ouesterne à propos de la vengeance » ? Ou comprendre qui est Djérémy ? Dans Histoires croûtes, on croise des gens qui parlent dans leur tête avec des ronds, des quadras qui ont des envies d’enfants et de handball, et des personnages secondaires privés de diplômes… L’heure est grave ! « Avant on sachait, maintenant on sache plus… »
Évidemment Histoires Croûtes, recueil d’histoires délirantes publiées dans Professeur Cyclope, n’est pas le genre d’album que l’on conseillerait au néophyte. Car, pour l’apprécier, il faut être capable de lire au soixantième degré. Au moins ! Il y a d’ailleurs comme un délicieux hiatus à aborder les histoires sans queue ni tête d’Antoine Marchalot (Une vie de famille agréable). Bien sûr, il serait vain d’y trouver une cohérence et encore plus de vous décrire ces huit récits organisés autour d’une succession de grandes cases par page, format paysage. Car son principe même est la discordance qui fait sens, le tumulte organisé et l’anachronisme calculé. Dans les mots, les situations, l’apparence de personnages bizarres coincés quelque part entre figures de la Grèce antique, zombies déformés et allégories issues d’un cauchemar. Marchalot singe ses effets, casse tous les codes, tisse une succession de maladresses savamment ordonnées et joue avec la langue comme un enfant de 5 ans découvre le français. Puis invente un style inclassable nourri par l’abstraction formelle : kitsch, numérique, en noir et blanc ou au lavis dégoulinant, son visuel déconstruit fascine par son refus de plaire. Une manière de jouer la surenchère absurde pour mieux torpiller la bêtise ambiante et parodier notre monde policé.
Des personnages sans horizon, des intrigues bricolées dans un garage, une autodérision poussée à l’extrême et une novlangue idiote qui confine au génie, cette esthétique du gag déstructurée aurait pu être lourde. Mais à la fin, il ne reste que jubilation et énergie créative pour un résultat hilarant. Entre détournements et parodies de genres narratifs, ce petit délire de 564 pages est d’ailleurs sélectionné à Angoulême. Une juste reconnaissance pour Antoine Marchalot, roi du non-sens, pas loin de Pierre La Police.
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