Hoka hey!
Amateurs de westerns, réfractaires, néophytes, cet album devrait mettre tout le monde d’accord tant il est riche et transcende les codes du genre. Codes que l’on retrouve en grande partie, évidemment, mais qui sont si pertinemment dépoussiérés qu’ils prennent une allure nouvelle sous la plume de Neyef. Dans son Hoka Hey!, on suit Little Knife et No moon, deux Indiens accompagnés de Sully, un Irlandais. Tous trois partent en quête de vengeance. Contre toute attente, ils récupèrent Georges sur leur route, un enfant élevé dans une des réserves indiennes des États-Unis par le pasteur du coin. Violent et poétique, calme et vif à la fois, leur horsetrip, parfaitement rythmée par des dialogues ciselés, une alternance de passages contemplatifs et d’autres plus mouvementés, sera entrecoupé par un tueur à gages. Forcément, on est au Far West !
Auteur intimement lié au Label 619, Neyef a commencé sa carrière chez Ankama avec un numéro de Dofus Monster, puis avait enchaîné avec Ce goût qui marquait déjà les esprits, en dépit de la jeunesse de son trait. Après une participation à Doggybags #3, il ouvrait la collection Doggybags présente avec le violent South Central Stories avant de retourner au dessin sur Bayou Bastardise, Puta Madre puis Midnight Tales. Un parcours initiatique chapeauté par Run et Mathieu Bablet, aujourd’hui coéditeurs de Hoka Hey! Et bien que l’on soit sur un western, un genre encore peu développé par le Label, on reconnaît immédiatement la patte si caractéristique de leurs œuvres. Pour autant, cette bande dessinée permet à Neyef de prendre son envol en s’émancipant de ses pairs.
Le premier choc, comme souvent, est esthétique. En partie grâce au grand format au dos toilé à la Shangri-La, que l’on a récemment retrouvé avec le non moins réussi A Short Story, la véritable histoire du Dahlia noir, et qui en impose de lui-même. Ce choix se révèle pertinent tant le gabarit rend hommage au dessin et aux couleurs soignées de Neyef. Belles, imposantes, luxuriantes, ses planches aux grandes cases prennent une ampleur considérable dès l’incipit. La large place laissée à la nature et le méticuleux soin apporté aux décors travaillés en panorama auraient pâti d’un format classique.
Le second est scénaristique. Avec une considérable profondeur de propos, Neyef parvient à brasser une large palette de sujets sans être didactique. Brutale et chargée d’émotions, l’histoire de ces « Peaux-Rouges » questionne l’identité et les différences culturelles loin des clichés et sans une once de manichéisme. Descendant du peuple Lakota, groupe ethnique sioux autochtone des plaines du Dakota du Nord et du Sud, Little Knife est un antihéros parcourant le pays. Bien qu’il reflète bon gré mal gré les comportements belliqueux des colons européens, il incarne pleinement le mode et les préceptes de vie de ces êtres que l’on a coupés de leurs racines, dont on a bafoué les valeurs, l’honneur, la liberté, détruit leur environnement puis qu’on a parqués dans des réserves.
Publiez un commentaire