Dans le désert du Nevada en 1960, John Huston tourne The Misfits (Les Désaxés en vf), une histoire de cow-boys qui tombent amoureux d’une femme perdue, en train de divorcer. Devant sa caméra, trois légendes du septième art : Clark Gable, Montgomery Clift et Marilyn Monroe. Le premier cherche à prouver qu’il a toujours la force et l’endurance de son jeune temps, malgré l’alcool qui le ronge (il mourra deux semaines après le tournage) ; le deuxième, tout en sensibilité, est hanté par la mort de James Dean ; la troisième bataille contre ses démons, ses souffrances.

Magistralement réalisée par Luz, cette plongée cinématographique forme, principalement, un portrait en creux de Marilyn. L’icône incarne un personnage écrit par son époux Arthur Miller, aux faiblesses et failles proches des siennes. Son mariage se délite, après une liaison avec Yves Montand, et son désir d’enfant ne se tarit pas. L’actrice est atteinte d’endométriose, bataille contre son mal-être physiologique et mental. Elle se trouve sous la coupe de sa coach Paula Strasberg, sorte de « baron noir » (et personnage comique réussi) qui cherche à lui faire appliquer une « méthode » d’art dramatique rigoureuse.

Avec un trait dynamique, proche de la caricature, et une grande empathie, l’auteur de Catharsis, Ô vous, frères humains ou Indélébiles introduit les lecteurs dans l’intimité de ces artistes au bord de la rupture — via un album au grand format appréciable, prépublié dans Les Cahiers du Cinéma. Sa Marilyn est bouleversante. Humaine, bien sûr, mais pas réduite à une petite chose fragile, ni à un sex-symbol sur papier glacé. Il en livre une vision féministe, celle d’une femme à la merci des hommes et des studios hollywoodiens. Qui cherche à faire porter son cri dans le désert.