HP ****
Par Lisa Mandel. L’Association, 13 €, le 16 octobre 2009.
Pétillante blogueuse (Libre comme un poney sauvage) dont le site est aujourd’hui au repos, Lisa Mandel épate avec ses histoires colorées légèrement foldingues (Nini Patalo, Princesse aime princesse). Scénariste du très réussi Esthétique & filatures avec Tanxxx, elle explore une nouvelle voie avec HP, dont le premier tome – L’Asile d’aliénés – vient d’être publié par L’Association.
Avec cet album, l’auteure débute une ambitieuse trilogie, qui retrace l’histoire de la psychiatrie hospitalière des années 60 à nos jours. « Ma mère et mon beau-père ont été infirmiers en psychiatrie pendant 35 ans », explique-t-elle en prologue. Enfant, elle les a entendu raconter « des récits abracadabrants, drôles et effrayants ». Qui l’ont poussée, des années après, à leur demander ainsi qu’à trois de leurs amis, de détailler leur expérience.
Dans cet ouvrage qu’elle a mis sept ans à réaliser et qui ne prétend pas livrer « LA vérité sur la psychiatrie » – comme le note l’une de ses sources d’information -, Lisa Mandel met son humour en berne, sans pour autant dramatiser les choses. Avec une pertinence extrême, son trait drôle et percutant – habillé de gris et d’orange – relate les premières années de travail de ces jeunes infirmiers idéalistes. On les voit choqués par les réalités de l’institution, qui installe les « démentes » (femmes atteintes de la maladie d’Alzheimer) dans des dortoirs de 90 lits, les nettoie dans des douches qui rappellent les camps de concentration, ou utilisent des thérapies glaçantes (électrochocs, overdose d’insuline).
Tout en demi-teintes, le livre dénonce la « mafia » FO qui brime les non-syndiqués, ou les coups rendus par les soignants à un malade, pour qu’il ne se sente pas autorisé à recommencer. Il détaille aussi les blagues que l’on peut faire aux patients, au prix parfois de leur désarroi ou énervement, et le soulagement du silence enfin obtenu dans les hôpitaux, grâce à l’usage des neuroleptiques. Le tome 1 de HP se clôt sur l’agonie d’un système « rétrograde et carcéral », préparant des mutations que l’on découvrira dans le deuxième épisode. Mi-analyse sociologique, mi-essai exposant des parcours particuliers, ce récit psychiatrique de Lisa Mandel est une réussite à la fois instructive, révoltante et émouvante.
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