Ce fut une période charnière pour la psychiatrie hospitalière, qui changea progressivement sa vision et son traitement des patients. Dans le deuxième tome de la formidable série HP, Lisa Mandel poursuit son exploration de l’hôpital psychiatrique à travers le temps.

L’auteure de Nini Patalo ou de Libre comme un poney sauvage s’inspire du vécu de sa mère, de son beau-père et de leurs collègues, tous infirmiers psychiatriques à Marseille. Elle raconte ici leurs « souvenirs » des années 1974 à 1982. Au fil de gags irrésistibles et de récits plus graves, s’esquisse un portrait complexe, passionnant. Celui d’une discipline en pleine mutation. Alors que subsistent des tenants d’une psychiatrie ancienne — qui positionne le malade comme un danger pour la société —, émerge une nouvelle façon de considérer le patient : on le voit désormais comme un être humain à part entière, qu’il faut soigner grâce à la psychologie, et non plus seulement abrutir de médicaments. Avec finesse, d’un trait lâché hyper efficace, l’artiste met en scène les bons et mauvais côtés de cette lente révolution. Pointe la logique sensible enfin mise en place, mais aussi ses dérives (on frémit à l’évocation de ce grand psychiatre qui permet à l’une de ses patientes de tomber enceinte, alors qu’elle se révèle incapable de vivre sa maternité). Un beau morceau d’une saga — Lisa Mandel prévoit de réaliser quatre tomes — intelligente, captivante.