Hugo Pratt, ses périples secrets à la Biennale du 9e art de Cherbourg
Pas facile de pénétrer le monde d’Hugo Pratt, peuplé de dizaines d’albums et de personnages, et de styles très différents. Et c’est là la grande réussite de l’exposition organisée à l’occasion de la 5e Biennale du 9e art de Cherbourg: proposer une rencontre originale et très plastique avec le créateur de Corto Maltese, loin de la bête présentation de planches originales. « Cette exposition est une nouvelle étape dans l’expérience de découverte de l’artiste et de l’homme Hugo Pratt », s’est enthousiasmé Pietro Gerosa, manager de Cong SA, société gérant les droits de l’oeuvre de Pratt. Visite guidée.
L’exposition présente évidemment nombre d’originaux (planches, dessins, croquis), mais s’inscrit dans un cadre « art contemporain », très sensible pour le visiteur. En effet, l’idée du Musée Thomas Henry, qui accueille cette manifestation, est de mettre l’accent sur l’évolution du style d’Hugo Pratt tout au long de sa carrière, et sur sa tentation de l’abstraction. Ainsi, de ses premières BD argentines, dans lesquelles le maître était fasciné par le réalisme de l’Américain Milton Caniff, à l’album Mû ou encore ses sérigraphies, le style Pratt s’est peu à peu simplifié, produisant dans l’économie de moyens des effets étonnants. « Je voudrais arriver à tout faire comprendre avec une seule ligne », disait-il. L’exposition intitulée « Périples secrets » le prend au mot et met en relief cette démarche artistique.
La mise en scène démarre avec une oeuvre bien loin de la bande dessinée: une Formule 1 sur laquelle Pratt a détourné l’imagerie du sponsor de la voiture de course, Gitanes. Avec des sérigraphies accrochées sur le mur en vis à vis, montrant l’essai de fragmentation du motif par Pratt.
Ensuite, on découvre avec trois vidéos l’artiste Hugo Pratt, en train de discuter, de dessiner, de promener sa carcasse massive. Et on se régale de sa technique d’aquarelle, sorte de magie picturale donnant vie au dessin sur papier. Puis, on découvre un espace appelé « atelier », dévoilant croquis, études, essais, de personnages surtout, mais aussi d’affiches. La lumière douce met joliment en valeur les différentes techniques utilisées par Pratt: crayon, aquarelle, feutre, encre…
La salle suivante présente des portraits très agrandis de Corto Maltese, qui défient du regard (et de la stature) le visiteur. Détaillés ou simplement jetés sur papier, ces portraits – dont on peut apprécier les originaux sur une table – impressionnent par l’efficacité du trait.
Puis viennent les planches, dont beaucoup sous influence américaine. Influence des comics, bien sûr, mais aussi du cinéma. Les cadrages, le mouvement, le jeu d’ombres et de lumières évoquent évidemment le septième art. Ce parcours de planches se concluent par des strips extraits de Mû, dernier album d’Hugo Pratt, à l’onirisme marqué. Dans ceux-ci, il utilise des travellings arrière, partant d’un gros plan de détail – très abstrait – à un plan large, où l’on comprend sur quoi l’auteur se focalisait. Poésie et mysticisme émanent de ces strips, qui annoncent la dernière salle.
Dans celle-ci, on découvre trois séries de grandes sérigraphies carrées, composant une sorte de puzzle d’un dessin qu’on ne verra jamais entier. Chaque cadre montre un détail en gros plan (une chaussure, un morceau de visage, une encolure…), mais pris à part, il peut se lire comme une peinture abstraite, faite simplement de lignes et d’aplats de couleurs. De la BD à l’art contemporain, il n’y a qu’un pas, et Hugo Pratt l’a franchi.
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Exposition Hugo Pratt, périples secrets.
5e Biennale du 9e art de Cherbourg-Octeville.
Musée Thomas Henry, 4 rue Vastel, Cherbourg.
Jusqu’au 20 septembre 2009. Entrée libre.
Hugo Pratt, périples secrets. Casterman, 59,50 € (broché) ou 75 € (cartonné). Achetez-le sur Amazon.fr
Photos © BoDoï – Images © Cong SA
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