1962, Antoine a 8 ans quand il apprend que son père part du jour au lendemain pour une expérience hors du commun : aller vivre seul sur une île déserte pendant un an ! Sacrée expérience que peu de personnes tenteraient aujourd’hui encore. Surtout qu’il est parti avec très peu de choses : de quoi se faire un abri de quelques mètres carrés, de quoi se nourrir, son chien… et quelques 300 kg de matériel radiophonique. En effet, en plus de vouloir vivre reclus loin de tout et de tout le monde, Georges souhaitait retransmettre une émission quotidienne lui permettant de partager les événements et émotions de son expérience de Robinson Crusoé moderne.

Le cœur de cette bande dessinée est centré sur l’évolution de ce personnage qui s’éloigne du confort moderne pour vivre selon ses propres règles. Mais aussi d’Antoine, ce petit garçon de l’époque, qui à présent est devenu à son tour père et revient sur cette histoire du haut de ses 71 ans. Et cet Antoine, vous le connaissez. Il s’agit du présentateur, humoriste, acteur, réalisateur… et ici scénariste : Antoine de Caunes. Mais à vrai dire, ce n’est pas le fait que ce soit lui qui valide la réussite de cet album, mais bel et bien l’histoire qui y est racontée ! Car cette bande dessinée est celle d’un homme qui part vivre son rêve d’enfant, mais aussi celle d’un enfant qui ne comprend pas le départ inopiné de son père. C’est aussi celle d’un adulte qui revient sur ses souvenirs et ressentis de gamin pour les confronter aux émissions de radio et au journal intime de son papa.

En 10 albums en à peine 13 ans de carrière, Xavier Coste est non seulement prolifique, mais aussi incroyablement doué. Avec ce nouveau livre coécrit avec Antoine de Caunes, puis entièrement dessiné par ses soins, l’auteur livre une bande dessinée d’une grande expressivité. Son dessin, d’une rare beauté, sublime l’ouvrage. À chaque album Xavier Coste expérimente et parvient à se renouveler en proposant une patte graphique à la fois reconnaissable et en adéquation avec le propos. Dans Il déserte – Georges ou la vie sauvage, il est plus figuratif et moins géométrique que dans son adaptation de 1984 et la réalisation de sa suite inédite Journal de 1985. Il joue avec la matière et les couleurs dans une sorte de mélange visuel de ses deux œuvres L’homme à la tête de lion et L’enfant et la rivière. On sent la chaleur, la dureté de l’expérience, mais aussi l’empathie et les questionnements d’Antoine et de Georges.

Grâce à une véritable alchimie artistique entre les deux auteurs, cette bande dessinée capte l’instant, l’analyse et le laisser résonner au regard d’aujourd’hui. En résulte une œuvre audacieuse offrant une immersion fascinante dans l’âme humaine. Une lecture marquante, à la croisée des souvenirs et de la prise de recul, de l’intime et du sauvage.