Il est où le patron ?
Jo, Anouk et Coline sont paysannes. Elles se rencontrent sur le marché pour vendre leur produits et échanger autour d’un petit café. Jo termine ses études et démarche pour obtenir un prêt à l’installation. C’est la féministe du groupe, qui sensibilise les autres au sujet. Anouk, elle, a quitté la ville pour devenir apicultrice. Elle est homosexuelle et vit en colocation. Entre autres problèmes, sa mère ne parvient pas à considérer l’apiculture comme un véritable métier. Enfin, Coline, mariée, deux enfants, a repris une ferme laitière avec son mari. A priori tout va bien. « Le patron » fait les travaux « pénibles » et elle fait… tout le reste : enfants, transformation du lait en fromage, vente, administratifs… Mais finalement, une fois chaussées les lunettes du féminisme, sa colère ne tarde pas à monter.
Le récit suit le fil des saisons et le sujet s’installe peu à peu. À travers le sexisme ordinaire qui teinte leurs expériences de vie, ces agricultrices dénoncent le patriarcat et la stigmatisation dont elles sont victimes. Cette montée en puissance du récit est une vrai réussite. Ces personnages imaginaires catalysent, de manière tout à fait crédible, toutes les injustices réellement éprouvées par « Les Paysannes en polaire » (un collectif de cinq paysannes : bergères, éleveuses, apicultrices et maraîchères). Sous la plume de Maud Bénézit, dont c’est la première bande dessinée, ces femmes racontent. Elles n’en font pas trop, ne se plaignent pas, elles témoignent. La dessinatrice, avant de se consacrer à l’illustration, a fait des études d’agronomie. Le groupe d’écriture ainsi constitué permet de remonter beaucoup de vérité et de justesse du terrain. Pour un premier essai, c‘est un sans faute. Les dessins assez simples sont mis en couleur sobrement. Ils s’articulent librement dans l’espace de la page, sans contour de cases. C’est assez classique de ce qui se fait en blog bd et c’est efficace.
Finalement, cette lecture nous apprend plein de choses intéressantes sur ces métiers et rappelle l’urgence de modifier les mentalités et comportements ordinaires qui grignotent, sans qu’on s’en rende forcément compte, l’indépendance et la confiance en soi des femmes. Alors… c’est qui la patronne ?
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