Il était une forme
Il était une fois un royaume bien droit. Pointu et rectiligne, voire carrément raide. Car ici, point de place pour les courbes, les arcs et la fantaisie : leurs majestés le Roi et la Reine font respecter cette règle, jusqu’à écarter leurs rejetons trop ronds. Heureusement, il y a la princesse Triangle, porteuse de tous leurs espoirs. Qu’elle va toutefois s’échiner à décevoir car la jeune femme refuse tous les prétendants qu’on lui soumet, les jugeant trop… plats. Mais quand arrive le rondouillard Jules, son coeur fond…
De Cruschiform, on avait adoré son audacieux ouvrage-nuancier, Colorama, à la fabrication de haute volée pour un concept pointu mais envoûtant. Dans un esprit proche, quelque part entre le livre d’art et l’ouvrage jeunesse, elle se lance ici en compagnie de Gazhole dans un conte de fées. Une histoire de princesse triste dans un royaume sévère, engoncé dans des formes trop acérées. Cet objet narratif innovant enchaîne pleines pages façon livre illustré et gaufrier davantage BD, et montre qu’il n’est pas forcément nécessaire de « savoir dessiner » des personnages et des décors pour raconter une bonne histoire. Ici, les protagonistes sont des formes parfois toutes simples, et l’émotion et les rebondissements viennent autant d’associations d’idées que de combinaisons de polygones. Les auteurs s’en donnent à coeur joie, jouant aussi sur les couleurs et la typo pour corser le tout, et glisser des messages modernes dans un conte en apparence traditionnel. Aux frontières de la bande dessinée, Il était une forme fourmille d’audace et d’invention, pour illuminer les yeux des petits comme des grands.
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