Ils brûlent #1
Il y a Pluie, jeune femme déterminée, douée avec son épée et détentrice du pouvoir du feu. Puis, il y a Ongle, gamine craintive et éthérée au visage mutilé. Elle aussi recèle une magie puissante. Et il y a le petit et maladroit Georg, qui tente de les aider dans leur voyage à travers les forêts et les montagnes. Leur fuite, plutôt, car les deux premières sont pourchassées par un mage inquisiteur, chargé d’éradiquer les sorcières de ce monde. Ce trio mal assorti va affronter différents dangers, rencontrer des individus et groupes souvent hostiles, et faire un chemin intérieur bouleversant, qui les interrogera sur la nature profonde de chacun et sur les limites à mettre, ou non, à leur quête de liberté.
Revisitant le genre dark fantasy et le mythe de la sorcière, Aniss El Hamouri (Comme un frisson) prend le temps – cette oeuvre est annoncée en trois tomes – de construire un univers sombre, inquiétant et irritant, dans lequel le malaise et le macabre sourdent dans chaque flaque, dans chaque racine, dans chaque nuage. Bâtie autour d’une ligne griffée et accidentée, rehaussée d’un lavis marron pas toujours très maîtrisé ni agréable (ce dernier point est certainement volontaire), sa bande dessinée se révèle extrêmement sensitive. Elle sent le brûlé, la pourriture. Elle gratte comme de la crasse ou du sang séché. Et sa longueur, ses longues séquences entre contemplation, évocation des souvenirs du temps passé et introspection profonde, impulsent un rythme si lancinant qu’il en devient hypnotique et abrasif : pour l’instant, il n’y a pas de héros dans Ils brûlent, juste des âmes en peine et des tueurs en puissance, de la violence exacerbée et du ressentiment contenu. Et c’est là tout le talent d’Aniss El Hamouri : se coller au plus près de ses personnages, jusqu’à en étouffer, pour bien comprendre les doutes et la peur qui les animent, dans un monde de toutes parts oppressant, afin d’en faire éclater un message d’ouverture et de tolérance très large, féministe et antiraciste notamment. Mais sans jamais céder à des ressorts dramaturgiques faciles ou des conclusions sans nuance. Un album pas facile, mais impressionnant.
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